Cinéma

Give Me Liberty, le feel good movie sans violon

Chris Galust fait des merveilles en incarnant Vic dans Give Me Liberty. © Wild Bunch

Comédie sociale aussi pertinente que délirante, Give Me Liberty suit la journée la plus joyeusement bordélique de la vie de Vic, un jeune conducteur de minibus pour personnes handicapées dans la ville de Milwaukee. Un personnage inspiré par l'histoire de Kirill Mikhanovsky, le scénariste et réalisateur du film, que nous avons pu rencontrer...

Toujours un bus de retard

La ressemblance entre le créateur et son personnage ne s'arrête pas seulement à leurs origines russes. Alors que Vic passe sa journée à courir après le temps dans une journée où il ne cesse d'être en retard, le réalisateur débarque trente minutes plus tard que l'horaire prévu, sur le rooftop parisien où nous avons rendez-vous pour l'interview. Il s'en excuse aussitôt, mais tient à préciser : "Si je ne suis pas en retard, les gens ne me reconnaissent pas ! Si j'étais tout le temps à l'heure, la fois où je serais en retard on le remarquerait et ça serait un défaut, mais comme je le suis toujours, être en retard est devenu mon style. C'est comme les ellipses dans les films : si tu n'en mets qu'une, c'est une erreur, mais s'il y en a tout le temps, c'est un style en soi !" Le ton est donné, avec un réalisateur aussi affable que généreux et visiblement très heureux de se retrouver à défendre un film dans lequel on sent qu'il a mis une bonne partie de lui. Surtout son cœur.

Vic est originaire de Milwaukee, ville du Wisconsin où le réalisateur a passé sa jeunesse, au Nord de Chicago. Le jeune homme au début de la vingtaine est conducteur de minibus pour personnes handicapées. Il voit sa tournée quotidienne perturbée par son grand-père et ses amis russes, qui veulent aller à l'enterrement de Lilya, une membre de leur communauté. Désireux de faire plaisir à tout le monde, il décide de faire cohabiter les personnes handicapées qu'il transporte avec la joyeuse troupe de personnes âgées, à laquelle se joint très vite Dima. Ce gaillard à l'enthousiasme contagieux se présente comme le neveu de la défunte et déclenche rires et sourires sur chaque visage qu'il croise.

On embarque alors pour une aventure humaine bluffante de réalisme et pour cause : la grande majorité des comédiens n'en sont pas. Les personnes handicapées présentes dans le film le sont aussi dans la vie. Et avec une reproduction bluffante du son dans le minibus, on se contente pas de regarder des gens évoluer dans un camion. On est avec eux, dans le camion.

Pour le bien de la communauté

Le film a été tourné en une vingtaine de jours seulement, ce qui lui confère le sentiment d'urgence que l'on ressent durant cette course contre la montre, alors que le patron de Vic ne cesse d'appeler pour savoir où il est et pourquoi il est aussi en retard. "Je voulais que tout soit authentique, précise Mikhanovsky. Le film se passe en hiver, donc il nous fallait de la neige, et que l'on tourne en hiver. Donc quand les acteurs tremblent pendant la scène de l'enterrement, qu'il y a de la fumée quand ils respirent, ce n'est pas parce qu'ils jouent : c'est parce qu'ils ont froid ! On avait tous froid, parce que c'est ça aussi, la réalité de Milwaukee." La ville n'a pas été choisie au hasard . Elle était le point de départ de Give Me Liberty et de l'aveu même du réalisateur, elle est bien plus qu'un lieu de tournage : "Dans le film, Milwaukee est un personnage à part entière."

C'est un personnage tourmenté, qui voit les communautés russe et afro-américaine se toiser puis se cotoyer, alors que la ville connaît des émeutes sur fond de violences policières. L'arrivée dans le minibus de Tracy, jeune femme handicapée au caractère bien trempé, va rajouter un peu de tension à la situation et mettre un peu plus de pression sur les épaules déjà bien fragilisées de Vic. Joué par Chris Galust, dont c'est le tout premier rôle et qui fait des merveilles, avec des allures de Edward Furlong (American History X, Terminator 2), le jeune conducteur se met dans des situations impossibles. Trop bon, trop c__ ? Incroyablement en retard, il doit tout de même déplacer un canapé pour rendre service à sa mère, empêcher son grand-père de mettre le feu partout où il passe à vouloir cuisiner son poulet, emmener une chanteuse à son concours, aider à porter un matelas dans des escaliers... "Il a énormément d'empathie, c'est quelqu'un de très gentil, précise Kirill Mikhanovsky. Peut-être même trop. Mais c'est parce qu'il est perdu, il ne sait pas où aller, il n'a pas de but. C'est pour ça que sa rencontre avec Tracy va lui faire du bien. J'espère qu'à la fin du film, il va devenir davantage lui-même. Car Vic est le reflet de toutes les personnes qu'il conduit dans ce minibus. Il n'existe pas, il n'est que le conducteur, mais à la fin, il va devenir... Vic."

Car toutes ces étapes, qu'elles soient drôles, émouvantes ou absurdes, vont lui permettre de prendre un nouveau virage dans sa vie...

Bienvenue à bord du minibus délirant de Give Me Liberty
Bienvenue à bord du minibus délirant de Give Me Liberty © Wild Bunch
Sébastien Delecroix
https://twitter.com/seb_o_matic Sébastien Delecroix Rédacteur