
Il y a 25 ans, Pulp Fiction remportait la Palme d’Or
Personne ne s’y attendait, et pourtant, le deuxième film du jeune Quentin Tarantino a obtenu la récompense suprême du Festival de Cannes en 1994. Une décision qui ne fit pas que des heureux. Retour sur une soirée riche en émotions… et en doigts d’honneur.
“Mais quelle daube !”
Nous sommes le 23 mai 1994 et le jury s’apprête à rendre son verdict, dans un palais, mais pas un tribunal. C’est 47ème Festival de Cannes et Clint Eastwood lâche au micro un nom que personne ne pensait entendre pour cette récompense : Pulp Fiction. Bien loin des soirées aseptisées de maintenant, les réactions ne se font pas attendre dans la salle. Des applaudissements de rigueur, des cris de joie pour les plus fervents supporters… mais aussi des sifflets. Sur leurs sièges, Quentin Tarantino, Bruce Willis, Samuel L. Jackson et John Travolta exultent comme une bande d’adolescents qui viendrait de réussir à voler un magazine olé-olé à la librairie du coin. Entre incrédulité et effervescence, ils semblent aussi surpris que ravis. Ce qui n’est pas le cas de tout le monde. Alors que Tarantino et son improbable dégaine de réalisateur d’à peine 30 ans cherchent à prendre la parole, une dame fait part de son opinion, que l’on pourrait qualifier de... plutôt tranchée. “Mais quelle daube ! Mais quelle daube ! C’est un scandale !”. Visiblement, en allant au Festival de Cannes, cette dame ne s’attendait pas à voir récompensé un film avec des tueurs en série qui débattent sur le nom du Big Mac, une femme qui danse le twist avant de faire une overdose, ou le grand caïd de l’histoire qui se fait violer dans un sous-sol par un type appelé Zed, tout de cuir vêtu. Elle ne devait pas non plus s’attendre à ce que Tarantino, sur scène, réponde à ses cris en lui adressant… un doigt d’honneur !
La plus populaire des Palmes d’Or
L’histoire ne dit pas si cette dame a changé d’avis. Car derrière, ce film qu’elle qualifie de “daube” est nommé sept fois aux Oscars, remportant celui du meilleur scénario, tout comme aux Golden Globes. Il reçoit bien d’autres récompenses, ainsi qu’un très bon accueil du public. 25 ans après, il demeure un film culte. Il y avait toutefois des signes avant-coureurs à cette surprise.
Deux ans auparavant, Tarantino avait présenté son premier film, Reservoir Dogs, au Festival de Cannes, mais hors compétition. Les critiques avaient été très bonnes et le film indépendant dépassera même les 300,000 entrées en France. Pulp Fiction en fera quant à lui 2,8 millions. Il n’y a de toute évidence pas que les membres du jury qui ont été séduits. Dans le monde entier, il rapporte 214 millions de dollars au box office. Aucune autre Palme d’Or n’a fait mieux. Encore plus stylé, pour parler “d’un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître” : à sa sortie en VHS, il devient le film le plus rentable de l’histoire des films en location, devançant Danse Avec Les Loups et Terminator 2. Car Pulp Fiction a de nombreux atouts pour plaire. En plus de dialogues incisifs, d’un découpage narratif aussi surprenant qu’intelligent et d’une bande son parfaite, des séquences sont devenues de véritables références de la pop culture. À combien de soirées avez-vous déjà vu quelqu’un reproduire les pas de danse de John Travolta et Uma Thurman, se passant les doigts en V devant les yeux ? Et cette fameuse mallette de Marsellus Wallace, saura-t-on un jour ce qu’il y avait dedans ? Tellement d’explications farfelues ont été données (l’âme de Wallace, l’intimité masculine, les diamants de Reservoir Dogs...) que ce mystère reste encore aujourd’hui l’un des plus grands du cinéma… Et le restera. De la même façon que Pulp Fiction restera considéré comme un chef d’œuvre. Ce qui n’est pas un scandale, pour une si bonne “daube”...
Ah au fait, connaissez-vous le titre québécois du film ? “Fiction Pulpeuse”, bien évidemment.
