Cinéma

Ninja Turtles - Teenage Years : découvrez les coulisses du film

Les Tortues Ninjas comme vous ne les avez jamais vues dans le nouveau film d'animation "Ninja Turtles : Teenage Years". © 2023 Paramount Pictures

Les Tortues Ninjas ont fait leur grand retour sur le grand écran ce mercredi 9 août 2023. Alors qu'elles soufflent cette année leurs 40 bougies, rien que ça, elles reprennent du service pour de nouvelles aventures au cinéma, et quelles aventures ! Ninja Turtles : Teenage Years souffle un vent de fraîcheur sur la franchise avec un concept artistique ultra novateur que l'on doit à un studio d'animation français, s'il vous plaît. SFR Actus a fait une petite visite chez Mikros pour y rencontrer quelques talents qui ont travaillé sur ce beau projet. Interview.

Après avoir eu maintes vies, dans les comics d'abord, dans les dessins animés et les jouets qui ont bercé toute une génération, ou encore plus récemment dans des films en live-action qui n'ont pas franchement convaincu, la franchise Teenage Mutant Ninja Turtles, ou TMNT pour les intimes, s'offre un gros coup de jeune avec un nouveau long-métrage qui ne ressemble à aucun autre. Tant dans le style, audacieux, qui confirme la révolution en marche dans le domaine de l'animation, que dans l'approche des personnages que l'on connaît si bien, Leonardo, Donatello, Raphaël et Michelangelo, présentés pour la première fois comme ce qu'ils ont pourtant toujours été : des ados. 

Alors que ceux d'aujourd'hui se retrouveront ainsi certainement dans ces jeunes héros en devenir, qui ne sont pas encore tout à fait bien formés et qui n'aspirent qu'à une chose, s'intégrer, ce nouveau lifting pourrait faire craindre le public plus aguerri, nostalgique de la licence de son enfance. Mais nul doute qu'il ne restera pas indifférent face à ce bouillon de créativité artistique, grouillant de textures bien étrangères à l'animation classique en 3D, parfaitement polissée.

Un studio d'animation français, Mikros, derrière Ninja Turtles : Teenage Years

Produit par Nickelodeon, qui détient les droits de la franchise depuis 2009 et à qui l'on doit ainsi déjà les séries animées de la décennie passée, Ninja Turtles : Teenage Years est une petite pépite visuelle. Une vraie curiosité, dans la lignée des films Spider-Verse. Lesquels ont déjà fait quelques émules, certes, notamment Les Mitchell contre les machines co-signé par nul autre que Jeff Rowe, réalisateur de ce nouveau film TMNT. Mais l'on peut dire que ce dernier repousse encore un peu plus les limites de l'animation. Et, cocorico, figurez-vous que c'est un studio français qui a eu la lourde - mais stimulante - tâche d'accoucher de ce concept ultra novateur pour nos Tortues Ninjas tant chéries. Rencontre avec trois talents de chez Mikros, Jacques Daigle, directeur de l'animation, Anne-Claire Leroux, superviseure surfacing, et Matthieu Rouxel, superviseur VFX, qui nous racontent cet ambitieux projet.

Ce n'est pas le premier projet de Mikros avec Nickelodeon, il y a notamment eu Bob l'Éponge, La Pat' Patrouille… On peut dire qu'ils vous font confiance ?

Matthieu Rouxel : Oui, en plus ce sont des projets intéressants. On a fait SpongeBob (Bob l’Éponge - le film : Éponge en eaux troubles, ndlr.) qui venait avec son panel de challenges qui lui était propre, avec des personnages qui se déformaient de manière complètement folle… Le projet TMNT, c'est quand même une grosse licence, avec un gros historique, et je trouve que le fait qu'ils ont laissé le réalisateur Jeff Rowe et le production designer Yashar Kassai pouvoir aller aussi loin, à proposer des ambiances et des designs de personnages vraiment différents de ce qu'on connaît, de ce que connaissent les fans, avec toujours la volonté de rester très respectueux de ce que sont les Tortues à l'origine… Parce que je pense que les fans le ressentiront, ce n'est pas un pastiche, ce n'est pas une dérision, il y a beaucoup de cœur et d'amour pour ce que sont les Tortues. Et pour nous c'était une super expérience, l'échange créatif avec le réalisateur était vraiment exceptionnel.

Ça a dû vous changer du style d’animation des précédents projets… Comment avez-vous abordé ce défi ?

Jacques Daigle : On parle d'artistes qui ont 5, 10, 15 ans d'expérience, qui ont toujours fait la même chose, et là on leur demandait de faire quelque chose de complètement différent. La pochettes d'outils artistiques qu'ils utilisaient depuis des décennies, il fallait leur dire de l'oublier et de faire confiance… Il y a eu beaucoup d'allers-retours, des erreurs, mais aussi de belles surprises. Tu ne limites pas la créativité, tu encourages les gens à essayer des choses, et ça donne un art vraiment positif quand tout le monde se sent en confiance pour faire des choses plus risquées. Ce n'est pas un challenge, c'est juste explorer davantage ton niveau de fun !

Anne-Claire Leroux : C’était difficile, oui, après c'est super excitant ! Je pense qu'on a tous un peu soif de pouvoir créer des choses qu'on n'a pas l'habitude de faire. Je n'ai absolument rien contre la CG classique, j'aime aussi beaucoup, mais c'est vrai que c'est plus intéressant de faire quelque chose qu'on n'a jamais fait. Donc il y avait un vrai challenge dans ce film, et je pense qu'avec Matthieu, c'est ce qui nous a plu depuis le début, de vraiment se casser la tête pour dire : "OK, comment on va faire en fait ?" (rires)

MR : Souvent dans l'univers de la CG on a des concepts 2D, et il est globalement entendu que quand ça va devenir de la 3D, ça va devenir plus polissé, plus clean. Là non. Le réalisateur et le production designer étaient très clairs dès le début : "Nous on aime tout dans cette image 2D, on veut que vous fassiez le maximum pour qu'à la fin ça ressemble à ça." C'était ça le gros challenge, amener ce côté crayonné, imparfait, tricher avec les profondeurs, avec les perspectives… Ça revient à tricher avec tout ce qu'est la 3D CG, il faut aller contre tout ce qu'elle va faire naturellement. Et en même temps on n'aurait pas été capables de fabriquer un film aussi riche, aussi poussé en rendu en le faisant en 2D. Du moins ça aurait nécessité des années et des années de travail, l'outil 3D était là pour ça.

Qu’est-ce qui a inspiré ce style d’animation si unique ?

JD : La vision de Jeff, le réalisateur, était quand même particulière. Et on voit le résultat à l'écran, on voit ses choix, sa vision. C'était hyper important pour nous d'être capables de comprendre ce qu'il cherchait.

MR : Ce que je trouve intéressant, c'est que le réalisateur n’avait pas seulement envie de faire un truc cool, mais de proposer un visuel qui avait du sens par rapport à l'histoire qu'il voulait raconter. Et l'histoire qu'il voulait raconter, c'est celle d’ados qui veulent s'émanciper et qui vont apprendre à devenir des héros, parce que ça n'en est pas encore quand on commence l'histoire… Et je pense qu'il voulait vraiment avoir cette énergie adolescente, c'est vraiment quelque chose qu'il a voulu imprégner dans tout le film. Moi c'est ce que j'aime. Il y a une vraie patte visuelle, mais une patte visuelle qui a du sens au regard de l'histoire.

Effectivement cette "énergie adolescente", c’est aussi ce qui démarque le film des précédentes productions TMNT. Déjà dans l’attitude des Tortues, mais c’est également la première fois qu’elles sont doublées par d’authentiques ados. Et même le style artistique rappelle les dessins un peu "naïfs" qu’on peut faire à l’adolescence… C’est ce que vous recherchiez ?

JD : Absolument. Jeff n'était jamais fan de la perfection. Quand tu regardes les Tortues dans le film… elles sont tout déformées ! Si on avait fait de la "belle" animation classique, du Disney, du Pixar, ça n'aurait jamais marché. Parce que ça n'aurait pas supporté l'ensemble. Donc oui, on faisait plein d'erreurs exprès, et ça, ça plaisait à Jeff à chaque fois ! (rires) Les artistes disaient : "J'ai besoin de fignoler ça encore." On leur répondait : "Non, non ! Tu as fini ! C'est parfait comme ça, tu n'as pas besoin d'embellir." (rires)

ACL : Quand Jeff et Yashar sont venus nous voir tout au début avec les concepts, ils nous ont vraiment dit - et ça n'a pas changé pendant toute la production : "Voilà, nous ce qu'on veut c'est qu'on ait cette impression de revenir quand on est ado et qu'on s'ennuie en cours, qu'on dessine dans les marges de nos cahiers et qu'on n’a aucune notion d'anatomie. On ne sait pas non plus trop comment dessiner, mais on fait quand même, parce qu'on s'amuse." Ça c'était vraiment le mot d'ordre pour tout le film, et c'est pour ça que les personnages ont vraiment des visages… disons très intéressants ! (rires) Ils sont très, très, très asymétriques. Donc "naïf", je pense que c'est vraiment le mot, parce qu'il y a un côté "mal fait" même si évidemment on essaie de faire en sorte que ce soit plaisant à regarder. Mais c'était vraiment ça, il fallait dépasser par exemple quand on peignait, ce qu'on ne fait traditionnellement jamais… Là c'était comme si on était des enfants, qu'on avait mal colorié et qu'on avait dépassé. Ça faisait partie de la touche du film qu'il fallait vraiment conserver. 

Dans "Ninja Turtles : Teenage Years", Raph, Leo, Donnie et Mikey sont des ados avant d'être des héros.
Dans "Ninja Turtles : Teenage Years", Raph, Leo, Donnie et Mikey sont des ados avant d'être des héros. © 2023 Paramount Pictures

Même si "Ninja Turtles : Teenage Years" à sa propre patte, on ne peut pas s’empêcher de penser aux films Spider-Verse qui sont venus casser les codes. Cette nouvelle approche, c’est le futur de l’animation ?

ACL : Je pense que c'est une évolution presque logique en fait. Au début, la 3D, c'était très novateur. Ensuite on a poussé la technologie le plus loin possible, pour imiter la réalité parce qu'il y avait vraiment cette idée de réussir à faire quelque chose de "crédible". Puis je pense qu'effectivement il y a une vraie volonté aujourd'hui de s'émanciper de ce look devenu un peu classique, qu'on connaît bien maintenant, et essayer de nouvelles choses. À ce niveau-là, Spider-Verse a fait en sorte de montrer que le public était aussi réceptif à des films qui n'étaient pas forcément des films de 3D classique. Et c'est ce qui nous a permis je pense d'avoir la possibilité de faire un Tortues Ninjas avec un style aussi novateur. Je ne suis pas sûre qu'on aurait eu la possibilité de faire ça sur une aussi grosse licence il y a quelques années. Là je pense que tout le monde se rend compte que les gens sont très ouverts à l'idée d'avoir des choses nouvelles, et je pense aussi qu'il y a une grosse demande du côté des artistes, qui eux sont très contents de pouvoir repousser les limites et d'innover.

On a vu que ce film se démarquait des précédentes productions TMNT, mais avec une franchise qui fête ses 40 ans, qui a connu de nombreuses vies dans les comics, les séries, les films, en figurines, avez-vous tout de même un peu puisé dans toutes ces références ?

JD : Je dirais que les quatre Tortues Ninjas avaient déjà leur personnalité. Leur personnalité dans le fond, leur âme, a été définie il y a longtemps, à leur création. Mais les projets passés ne nous ont pas vraiment influencés parce qu'on essayait de faire quelque chose d'original. 

ACL : Oui et non. Il y a beaucoup de clins d'œil à la "vieille licence", notamment aux jouets des années 1980. On retrouve des costumes par exemple des Tortues, ou des petits objets, des trucs comme ça où les vrais fans vont se dire : "Mais oui, j'avais ce jouet, je me souviens de ça !" Par contre dans le style en lui-même, je dirais que non, parce qu'on a effectivement vraiment essayé de faire quelque chose de nouveau. Je pense que Jeff avait vraiment envie de faire quelque chose d'assez frais, et comme vous l'avez dit plus tôt, c'est la première fois que les Tortues Ninjas sont de vrais ados. Donc il y a un petit mix de nostalgie des années 1980, mais je dirais que ce sont plus des clins d'œil qu'une inspiration.

MR : Il y a pas mal de plans qui sont directement inspirés des couvertures des premiers comics qu'on été faits dans les années 1980, et je pense que les créatifs étaient beaucoup attachés à la première série animée, les premiers films en live-action aussi… On va dire qu'il y avait un vrai attachement à tout ce qui a été fait jusqu'au début des années 1990 sur la franchise, tout en voulant faire une proposition "moderne". Mais je pense que oui, la très grosse proposition du film c'était de vraiment les ramener à ce qu'ils sont, c'est à dire des ados. Ce ne sont pas des personnages bodybuildés, ils n'ont pas de grosses voix mais des voix d'adolescents, et je trouve qu'en ça le film est super réussi. Je trouve qu'on a un attachement aux personnages, une caractérisation des personnages qui est sans doute plus poussée que ce qu'on a pu voir dans les créations précédentes. 

Du coup, le film s'adresse à deux publics : les nostalgiques qui ont grandi avec les Tortues Ninjas, et les plus jeunes qui vont peut-être les découvrir pour la première fois. Vous pensez que l'un et l'autre vont aussi bien accueillir le film ?

ACL : Je pense que le film marche assez bien à ce niveau-là, parce qu'il y a effectivement une lecture nostalgique pour tous les "grands enfants", qui eux vont retrouver un peu les choses auxquelles ils étaient habitués, il y a quelques musiques aussi qui font référence aux années 1980… Donc c'est sûr que ça va parler aux nostalgiques, mais en même temps ce qui est bien c'est que, comme les personnages des Tortues sont de vrais ados, ils apportent forcément leur réalité. Tout ce qui est humour, le comportement des Tortues va beaucoup parler aux adolescents d'aujourd'hui. Et il y a quand même des petites touches un peu modernes, donc je pense que les deux cohabitent assez bien, et j'espère que les deux publics y trouveront leur compte !

JD : Aux adultes, je dirais que c'est une approche complètement différente, ce n'est pas aussi grandiose que les derniers films qui sont sortis, mais personnellement j'ai beaucoup aimé et j'espère que vous aussi. Et aux plus jeunes… Pour ma part quand j'étais jeune j'avais vu les premiers films Tortues Ninjas, et ça m'avait inspiré à faire des arts martiaux. Ce film n'est pas aussi sérieux que les premiers, mais j'espère que vous vous reconnaîtrez dans les personnages. Parce que tout le monde à un ami comme Raph, comme Mikey, Donnie, Leo…

MR : Concernant le public adulte, je dirais que ce n'est pas que pour les nostalgiques… Personnellement je ne suis pas un expert de Tortues Ninjas à la base. J'aimais ça quand j'étais enfant, mais ce n'est pas quelque chose que j'ai suivi. Et vraiment je pense qu'en tant que spectateur adulte, je peux regarder ce film aujourd'hui et y prendre beaucoup de plaisir juste pour ce qu'il est, sans me poser la question de ce qu'était la franchise avant. Je pense que l'histoire est solide, les personnages sont bons. Il n'y a pas besoin d'être un fan des Tortues Ninjas pour apprécier ce film. Je pense que les fans vont l'aimer, mais je pense que les gens qui ne connaissent pas les Tortues Ninjas vont l'aimer aussi pour ce qu'il est, parce que c'est juste un bon film.

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Source : Mikros