
Caméléon : immersion dans les milieux les plus dangereux de la planète
Pirates de la route à Miami, trafiquants d’ambre en Ukraine, mafia de la drogue en Argentine… Sebastian Perez Pezzani a intégré les milieux les plus sombres et dangereux de la planète. La rédaction a interviewé celui qui est derrière la série documentaire Caméléon, dont la saison 3 est à retrouver en exclusivité sur 13ème Rue.
Qu’est-ce qui vous a pris, un jour, de devenir un caméléon et de vous fondre dans les milieux les plus dangereux du monde ?
Sebastian Perez Pezzani : J’ai toujours eu un rapport un peu particulier avec la peur. La peur me fascine. Je suis persuadé qu’elle régit nos vies. On a peur de tout. À chaque épisode que je tourne, je me sens comme un gamin sur un toit qui s’avance jusqu’au bord, jusqu’au moment où il se dit qu’il a été trop loin. J’ai envie de savoir où se trouve cet endroit. J’aimerais connaître mes réactions être capable de les anticiper et réussir à les maîtriser. Mais je ne me suis pas réveillé un matin comme ça, c’est un chemin que j’ai parcouru, toute ma vie et qui m’a mené là.
Comment devient-on un bon caméléon ?
SPP : Il faut avoir un instinct animal. Il ne faut pas calculer ce qu’on fait une seule seconde. Je ne peux pas vous dire comment je fais, moi-même, je ne le sais pas. Le plus important, c’est la spontanéité, il faut être le plus naturel possible. Après, ma manière de filmer aide beaucoup. Je ne demande pas aux gens de jouer leur propre vie, je ne fais pas de seconde prise, pas de plans de coupe simulés. Jamais je ne demanderais à quelqu’un de refaire une prise et de jouer la comédie.
"Je n’essaie pas de reproduire la vie, je la montre."
Et puis quand je passe mes journées avec des gangs, comme ça, je ne peux pas leur demander de faire les choses deux fois. Ça ferait perdre toute l’authenticité. Ce n’est pas du cinéma, je n’essaie pas de reproduire la vie, je la montre. Mais ce n’est plus aussi facile qu’avant. Il y a 15 ans, avec une caméra, tout le monde se fichait d’être diffusé à l’étranger. Aujourd’hui, avec les réseaux sociaux, les criminels ont plus de difficultés à se laisser filmer. En quelques minutes, ça termine sur Facebook, Twitter, YouTube, il faut négocier plus longtemps pour laisser rentrer la caméra.
Vous vous dites parfois que vous allez trop loin et que vous prenez trop de risques ?
SPP : Tout le temps. À chaque épisode, il y a un moment où je me dis que j’ai été trop loin. Pour un épisode d’une précédente saison, je me suis fait implanter un os humain sous la peau. C’est ce que la religion des narcos argentins impose. Pour pouvoir filmer, je me suis livré au rituel, mais probablement que je n’aurais pas dû. Avec le recul, je réalise que ce n’était pas très malin. Ce qui est impératif, pour moi, c’est de ne jamais mettre mon caméraman en danger. Pour moi il y a un truc animal, je ne peux pas m’en empêcher. Je dois être un peu fou (rires). Mais quand je suis rentré, mes filles m’ont demandé si j’avais envie de mourir, ça a agi comme un déclic chez moi. Il faut que je calme.

Il y a des images que vous n’avez jamais pu diffuser parce qu’elles étaient justement trop choquantes ?
SPP : L’os sous la peau, je suis tombé dans les pommes, le caméraman n’était pas bien non-plus, on n’a pas pu montrer ça. Mais il y en a d’autres ! Au Salvador, on a filmé les anthropologues judiciaires qui retrouvaient des corps deux mois après leur disparition. Ce ne sont pas des meurtres de la veille, ils sont en décomposition totale. Eux ne s’intéressent qu’aux os. Ils nettoient le squelette de toute la chair, la peau… Nous on était dans la salle, le caméraman n’a pas pu s’empêcher de filmer. C’était beaucoup trop trash pour le montrer à la télévision. Je ne voulais même pas que le monteur voie ça.
"Je me retrouve embarqué là-dedans avec la peur au ventre."
Et dans cette nouvelle saison, quelles sont les séquences choc ?
SPP : Ah ça il y en a ! Dans le premier épisode, je suis avec les "Fast and Furious " de Miami, qui se livrent à des courses illégales sur les routes peu fréquentées. C’est quand même des mecs qui mettent en danger leur vie, celle des autres… Quand un type se met à faire du 200 à l’heure en pleine ville, juste pour frimer, je me retrouve embarqué là-dedans avec la peur au ventre. Au montage, je revois les images, j’hallucine ! Si je n’ai pas le permis, c’est pour une raison.
Mon moment favori reste celui avec les trafiquants d’ambre en Ukraine. Ils avaient mis de la musique en pleine forêt, moi je me suis pris une gigantesque cuite, eux tiraient au pistolet frénétiquement en direction du ciel… C’était festif et complètement surréaliste ! Et là, on les voit vraiment tels qu’ils sont. C’est des affreux méchants mais ils ont aussi beaucoup d’humanité. Ils ne sont ni foncièrement bon, ni foncièrement mauvais. C’est des salauds de gentils, des drogués attachants, des flics corrompus et c’est ça qui fait le monde.
La troisième saison de la série documentaire Caméléon revient avec cinq nouveaux épisodes, à retrouver à partir du 16 juillet 2019, chaque mardi à 22h35 sur 13ème Rue.
