
Où sont les noirs ? Rokhaya Diallo expose le racisme sur RMC Story
Ce mercredi 18 mars 2020 à 20h55, RMC Story diffuse un documentaire exclusif, Où sont les noirs ?, qui met en lumière la situation des personnes racisées dans l'industrie cinématographique française. SFR Actus a rencontré sa réalisatrice Rokhaya Diallo lors de l'avant-première, début février.
"Dès qu’on voyait un noir à la télé, il y avait une espèce d’agitation, d’émulation", explique l'acteur Lucien Jean-Baptiste dans le documentaire Où sont les noirs ?, réalisé par Rokhaya Diallo, qui sera diffusé ce soir sur RMC Story dès 20h55. Cette émulation, comme il le dit, elle découle de l'absence de représentation raciale sur nos écrans. Et il n'est pas le seul à témoigner en ce sens. Aïssa Maïga, Sonia Rolland, Deborah Lukumuena, Marie-France Malonga ou encore Gary Dourdan : autant de récits de vie retranscrits dans le documentaire qui racontent la difficulté de s'imposer comme actrices et acteurs noirs, l'impossibilité de trouver des figures inspirantes noires en raison d'une véritable sous-représentation et un manque d'inclusion.
Durant un peu plus d'une heure, dans un documentaire avec une esthétique sublime, Rokhaya Diallo retrace l'histoire des noirs au cinéma, dissèque l'anatomie de ce racisme à l'écran et nous éclaire sur une question qu'on ignore bien trop souvent. Car une question nous est posée au début de Où sont les noirs ? : "Êtes-vous capables de citer trois acteurs ou actrices noir·e·s français·es ?". Bien entendu, on peine à y répondre. Il y a Omar Sy, évidemment. Et après ? On sèche. Et le documentaire explique pourquoi on est si peu capables de répondre à cette question pourtant si simple en apparence.
Rokhaya Diallo, justement, nous l'avons rencontrée lors de la projection de Où sont les noirs ? en avant-première. SFR Actus en a profité pour lui poser quelques questions sur la situation du racisme en France.

C'était important pour toi de vraiment travailler l'esthétique dans Où sont les noirs ?
Nous avons vraiment voulu travailler sur l’esthétique et contourner le misérabilisme habituel lorsqu’on parle de ce genre de sujet. Pour moi, c’était important de montrer qu’on peut traiter un sujet important en ayant des personnages qui soient beaux à l’écran. Avec la lumière, on a tenu à respecter les carnations de peaux. Je tenais vraiment à ce que ces peaux soient sublimées parce que c’est l’origine de la discrimination, mais c’est aussi ce qui nous couvre, la plus grande surface qu’on a sur le corps. Les montrer avec cette lumière-là, c’était vraiment important à mes yeux.
C’était hyper émouvant de voir le documentaire pour la première fois. Je suis extrêmement fière de mon travail qui est une collaboration bien entendu, un travail collectif. Mais je suis très émue aussi parce que je me rends compte que ça touche à des choses assez profondes. C’est un très, très beau moment.
Est-ce que les questions liées au racisme ont droit à une même émergence dans le débat public que celles liées aux droits des femmes ou des personnes LGBT+ ?
Ce que je trouve intéressant, c’est qu’on a une émergence de ces questions autour des minorités. Au-delà même des noirs, ça émerge vraiment en France. Dans les jeunes générations, il y a une conscience de ce qu’on appelle l’intersectionnalité, c’est-à-dire qu’on ne peut plus penser au féminisme sans penser aux droits des LGBTQIA+, sans penser aux droits des personnes en situation de handicap, sans penser aux droits des minorités, des femmes musulmanes qui portent un foulard... Tout ça va de concert. C’est vraiment important, c’est quelque chose de très nouveau et de très caractéristique d’une génération. Où sont les noirs ? ne s’inscrit pas seulement dans la question de la représentation des noirs, mais dans la représentation de toutes les minorités qui ont été mises pendant très longtemps de côté dans l’espace public.

Justement, comment on fait pour avoir plus de diversité sur nos écrans ? Il faut imposer des quotas ?
Ce qu’il faut c’est réfléchir aux personnes qui décident de qui est sur les écrans. La question elle n'est pas seulement individuelle, elle est systémique. Qui a le pouvoir ? Qui décide ? Ce sont les vraies questions. Il faut penser à une révolution de fond dans la manière dont les personnes qui sont en pouvoir de décision peuvent permettre une représentation.
On ne peut pas se regarder dans le blanc des yeux en disant "les quotas c’est pas bien" et ne rien faire en même temps. En France, la question de l’action positive, des quotas, elle existe pour les personnes en situation de handicap avec une obligation de 6% dans les entreprises. La question de la parité, c’est aussi une question de quota et on a révisé la constitution pour le mettre en place. Ça veut dire que le droit français, au fond, n’est pas étranger à l’action positive. Maintenant, est-ce qu’on veut le faire pour tous les groupes ? C’est ça la question. Si on laisse les choses telles qu’elles sont aujourd’hui, on n’avancera pas. Le problème, c’est qu’en France, on a une philosophie très universaliste. On veut masquer les singularités qui ont des effets sociaux derrière un universalisme de façade. C’est une théorie très belle, mais la réalité ne tient pas compte de tout ça. Il faudrait produire des chiffres pour mesurer l’égalité et améliorer la situation. Ça peut être une simple transition vers l’égalité.

Qu'est-ce que tu dis à celles et ceux qui pensent qu'il n'y a pas vraiment de racisme en France et que blanc ou noir, on a toutes et tous les mêmes droits ?
Sur le plan du droit, en théorie tous les Français sont égaux. La réalité, c’est qu’il suffit de regarder les chiffres de discrimination au travail. Un prénom maghrébin, une photo où on est noir, ça nous donnera moins de chances d’obtenir un job, moins de chances d’avoir un appartement, plus de chances de se faire contrôler au faciès. Il y a des chiffres qui démontrent que la vie d’une personne noire ou maghrébine n’est pas la même que celle d’une personne blanche. On ne peut pas nier ça. Il suffit de regarder qui est à la tête des entreprises du CAC40. La seule femme vient de partir, pas d’Arabe, pas de noir. Il y a vraiment des progrès à faire. Les choses avancent, certes, mais dans les positions de pouvoir, les noirs sont très rares.
Pour rappel, Où sont les noirs ? sera diffusé ce mercredi 18 mars 2020 à 20h55 sur RMC Story.
Source : RMC Story
