
Rencontre avec les Négociateurs de la série documentaire 13ème RUE
Laurent Combalbert et Marwan Mery décryptent les prises d'otages les plus marquantes de l'histoire, dans la nouvelle série documentaire de l'Agence CAPA, dont la diffusion commence ce 11 octobre sur 13ème RUE. Neuilly, Moscou, Waco, Berlin, le vol Paris-Alger : ces événements marquants sont analysés par leur regard expert et apportent un tout nouveau point de vue pendant les cinq épisodes. SFR Actus a pu les recontrer, afin d'échanger sur ce métier pas vraiment comme les autres...
Qu’est-ce qui vous a attiré, motivé, pour participer à la série documentaire "Les Négociateurs" ? Vous avez déclaré avoir plusieurs fois refusé de participer à certaines émissions…
Laurent Combalbert : L’agence CAPA a une réputation de professionnalisme qui nous a marqués. On avait déjà eu l’occasion de voir des documentaires de cette agence. Et puis il y a l’approche. Les réalisateurs et les producteurs nous ont montré que l’idée était de mettre en avant le métier de négociateur, pas que sur le côté sensationnel, mais aussi sur l’apprentissage, la transmission de la connaissance, et ça c’est quelque chose qui nous touche, qui est important pour nous. On voulait se baser sur des cas réels, des situations concrètes, avec en plus beaucoup d’images et d’archives, des témoins qui étaient interviewés, pour aller chercher des éléments techniques de négociation, qui mettent en avant ce métier.
Quelle est la pire situation dans laquelle vous vous êtes retrouvés en tant que négociateurs ?
Laurent Combalbert : Négocier avec lui, ça a été un enfer ! (rires)
Marwan Mery : (rires) Alors pour moi la situation la plus difficile, mais surtout la plus traumatisante, c’est quand j’ai été pris en otage. Ça remonte maintenant à quelques années. Ce n’était pas du tout dans un pays sensible, c’était en Angleterre, dans un lieu qui n’était pas supposé exister… C’était un cercle de jeu clandestin. La prise d’otages a duré cinq heures, on était 11 contre un mur. Et vous savez que personne ne va venir vous chercher, car encore une fois c’était un lieu qui n’existait pas. Donc l’expérience a été particulièrement traumatisante, mais c’est également une expérience sur laquelle je capitalise beaucoup, puisqu’au bout de cinq heures j’ai réussi à faire sortir tout le monde. Par contre je n’ai jamais revu les otages. Ni le preneur d’otages, évidemment… Il souffrait de débordements émotionnels, ça a été très compliqué à gérer, mais ça a été mon expérience la plus traumatisante.
Est-ce qu’il y a des situations plus difficiles à appréhender ? Par exemple un épisode parle du vol Alger-Paris, où les preneurs d’otages se disent prêts à mourir, avec derrière un idéalisme religieux...
Laurent Combalbert : Ce qui est compliqué c’est de comprendre la situation de la partie adverse. Une fois qu’on a compris ce qu’ils cherchent, on peut voir si oui ou non, on peut aller dans ce sens-là. Les dogmatiques, qu’on appelle aussi les extrémistes, sont prêts à aller jusqu’au bout, ont un dogme, une vérité. Tout ce que vous dites, ils vont le réinterpréter pour que ça rentre dans leur vérité. Donc on sait que quoiqu’on essaie d’amener, quelques que soient les arguments qu’on va essayer de poser, quelles que soient les idées qu’on va pouvoir exprimer, tout va être retourné pour rentrer dans un système qui est le sien et qui justifie ce qu’il est en train de faire. Donc ce qui est difficile, c’est de trouver le moment où on va le faire basculer dans le doute. Dès lors qu’il va douter, on va pouvoir anticiper une solution à négocier. S’ils ne doutent pas, s’ils sont persuadés que tout ce qu’ils disent est la vérité et que tout ce qu’on dit est faux, alors on peut faire tout ce qu’on veut, on sait que ça sera plutôt du gain de temps dans l’intervention pour préparer l’assaut plutôt qu’une solution à négocier. Plus le dogme s’installe et moins la négociation est une solution de sortie.
Si le FBI a pu établir un profil type pour les serial killers, le cas Human Bomb ou le preneur d’otages de la maternelle de Neuilly démontrent-ils qu’il n’y a pas de profil type concernant les preneurs d’otages ?
Marwan Mery : Effectivement, il n’y a pas de profil pour un preneur d’otages. Après ce qu’on peut voir généralement, c'est qu'il y a une pathologie derrière tout ça : on ne décide pas du jour au lendemain de prendre des gens en otage. À chaque fois qu’on est amené à gérer des profils dits difficiles avec Laurent, on réalise une cartographie des acteurs et on essaie de comprendre leurs ressorts psychologiques. Est-ce qu’ils souffrent de psychopathie, de sociopathie, est-ce que ce sont des psychotiques, est-ce qu’ils souffrent de bouffées paranoïaques aigües, est-ce que ce sont des extrémistes, prêts à aller jusqu’au bout ? Et enfin, en fonction du profil du preneur d’otages, on va adapter notre communication et notre comportement par rapport à eux. Quand vous gérez des situations critiques et notamment face à des profils qui souffrent de pathologies, on est obligé de s’adapter à eux.

Le drame de Waco a été beaucoup abordé cette année sur 13ème Rue, avec la mini-série du même nom et donc un épisode dans Les Négociateurs. Est-ce qu’il s’agit d’un tournant dans l’histoire de la négociation ?
Marwan Mery : Waco a profondément marqué l’histoire des États-Unis, notamment dans les années 1990, parce qu’on est sur une prise d’otages qui va durer 51 jours. Il va y avoir différents intervenants sur la situation : on va avoir le shériff local, on va avoir les ATF, le FBI, les équipes de négociation… Et en fait le facteur principal d’échec sur Waco, c’est qu’il n’y a pas forcément de mission commune, les gens ne sont pas forcément là pour la même chose.
Les groupes d’intervention sont prêts à donner l’assaut pour venger les quatre membres des ATF qui ont été tués lors du premier assaut et ce qu’on voit également, c’est qu’il n’y a aucune confiance entre les membres des équipes. Ce qui structure une équipe, c’est la mission commune. Du coup, tout ce qui va être fait va aller à l’encontre d’une résolution pacifique de la situation. Donc oui, ça a profondément marqué les États-Unis et après ils ont pu faire le deuil de tout ça, essayer d’apprendre de l’erreur...
Est-ce que vous négociez sur tout dans votre vie ? En faisant les courses, pour savoir qui va faire la vaisselle..?
Laurent Combalbert : (rires) Non,on sait s’arrêter de négocier. Il y a des sujets sur lesquels on ne négocie pas, parce qu’il n’y a pas de négociations possibles. Les sujets qui sont liés à nos valeurs personnelles par exemple, il n’y a pas de négos. Et puis on sait aussi qu’on n’est jamais bon négociateur pour soi-même. Il faut rester humble par rapport à ça. On est plutôt très bon négociateurs pour les entreprises ou les organisations qu’on accompagne, mais dès lors que cela nous touche personnellement, qu’il y a un enjeu personnel, on confie la négociation à quelqu’un d’autre. À nos épouses, notamment, qui sont souvent meilleures négociatrices que nous, soit on se passe de négocier et on accepte de payer ce qui est juste.
En négociations il y a le négociateur et le décideur : quel est le rôle de vos épouses alors ?
Laurent Combalbert : (rires) Généralement elles sont plutôt décideuses hein, elles nous font croire que non, mais en fait elles sont très très fortes.
Marwan Mery : (rires) Oui c’était Barack Obama qui le disait d’ailleurs : il n’y a personne au-dessus de lui, sauf sa femme.
Pour finir, et en espérant que cela n’arrive jamais à nos lecteurs : quel est le premier réflexe à avoir en cas de prise d’otages ?
Marwan Mery : Le premier réflexe à avoir, c’est de se taire et de ne pas avoir de geste héroïque. Souvent c’est ce qu’on peut voir dans les films, mais il faut savoir qu’en France, il y a des groupes spécialisés qui vont être en mesure de gérer la crise. Ce qui veut dire que dans un premier temps, on ne cherche pas à s’opposer au preneur d’otages et on joue au bon petit élève. Après, des choses peuvent se produire, mais en l’occurrence, on reste calme.
Les Négociateurs, à retrouver chaque vendredi dès le 11 octobre à 22h45 sur 13ème RUE, une chaîne disponible sur votre box SFR.
