
DAHMER : la série Netflix est-elle trop effrayante ?
La nouvelle série de Ryan Murphy sur Netflix est le choc de la rentrée. DAHMER - Monster : The Jeffrey Dahmer Story, revenant sur l'histoire sordide de l'un des plus terribles serial killers ayant agi aux États-Unis, fait en effet beaucoup réagir les spectateurs, mais aussi les familles des victimes. Il faut dire que la prestation d'Evan Peters et le réalisme cru des meurtres ne peuvent pas laisser insensibles... Mais la série est-elle trop effrayante pour autant ?
Il nous a habitué aux programmes chocs. Avec American Horror Story puis American Crime Story, Ryan Murphy prend un malin plaisir à plonger les spectateurs dans des situations inconfortables, en dosant parfaitement entre le sordide et le bling-bling, et en exposant "la face cachée de l'Amérique", sans avoir peur d'aborder des aspects surnaturels (vampires, sorcières et fantômes s'invitent dans quasiment chaque saison). Mais sa nouvelle production, DAHMER - Monster: The Jeffrey Dahmer, au titre un peu trop long et que nous appellerons donc simplement DAHMER dans la suite de l'article, est peut-être la plus terrifiante à ce jour. Et pour cause : son traitement est ultra-réaliste, car se basant sur des faits réels.
DAHMER finalement bien accueillie par les spectateurs ?
On retrouve à l'affiche de DAHMER l'acteur Evan Peters, muse parmi les nombreuses muses de Ryan Murphy, avec Sarah Paulson, Emma Roberts (avec qui il a longtemps été en couple), Jessica Lange, Cory Fern ou Finn Wittrock. Présent dès la première saison d'American Horror Story, et revenant régulièrement dans les suivantes, il a été également aperçu par le grand public en tant que Quicksilver dans les films X-Men. Mais une nouvelle étape de sa carrière vient sans doute d'être franchie, avec sa prestation particulièrement troublante dans DAHMER. Parce qu'il est parfaitement rentré dans la peau de son personnage, ce qui est exactement ce que l'on attend d'un acteur de talent. Le problème pour beaucoup de spectateurs, c'est surtout qu'il incarne Jeffrey Dahmer, un serial killer ayant vraiment existé, et qui lui aussi avait l'habitude de rentrer dans la peau des gens, mais pas pour jouer un rôle, malheureusement...
Alcoolique, tueur, violeur, nécrophile et cannibale : voici le charmant portait de Jeffrey Dahmer, dont la série DAHMER retrace la vie. Une liste à laquelle on pourrait ajouter le racisme, puisqu'il a pris soin de cibler essentiellement des victimes racisées, souvent noires, pour jouer sur le désintérêt total de la police américaine pour ces populations. Ce que l'on voit dans des scènes au moins aussi effrayantes que celles des meurtres.
On découvre donc Evan Peters incarner Jeffrey Dahmer dans le premier épisode, en 1991, alors qu'il a 31 ans, et vient de ramener un homme chez lui. Et on comprend vite, comme la victime, que ce ne sera pas seulement, comme il l'avait fait croire, pour faire des photos. Il y a en effet une odeur nauséabonde dans l'appartement, on voit Dahmer mettre quelque chose dans la bière qu'il sert à son invité, qui cherche à s'en aller, et se retrouve menotté. Oh, et petit détail : il y a des tâches de sang sur le matelas de son lit, et un énorme bidon d'où semble émaner l'infecte odeur. Et Jeffrey menace Tracy Edwards, c'est son nom, d'un couteau, pour l'obliger à regarder avec lui son film préféré, L'Exorciste, la suite, qu'il dit visionner une fois par jour. Nous ne vous en raconterons pas plus pour ne pas vous spoiler, mais cet épisode marque le début de la fin, et sert à nous présenter ce monstre en fin de parcours, avant que toute sa vie soit retracée, dès l'enfance, pour montrer comment cet enfant perturbé a pu devenir un tel monstre. Mais pour découvrir cela, il faut déjà aller au-delà du premier épisode, ce qui pour de nombreux spectateurs semble avoir été une vraie épreuve...
Si certaines et certains ont abandonné, beaucoup semblent avoir poursuivi leur visionnage de la série. DAHMER a été le programme Netflix le plus visionné la semaine de son lancement, le 21 septembre dernier, la plateforme de streaming annonçant que sa nouvelle série choc avait été regardée plus de 196 millions d'heures (la meilleure audience depuis la saison 4 de Stranger Things), et s'est classée dans le Top 10 de 92 pays. Ce que ces chiffres ne nous disent pas, c'est combien de personnes n'ont pas pu aller au bout, car voir ces meurtres être commis sur l'écran, d'une façon incroyablement réaliste, est absolument effrayant et peut heurter les sensibilités. Il faut d'ailleurs rappeler que la série est déconseillée aux moins de 18 ans, et que vérifier si le contrôle parental est bien activé sur votre compte Netflix peut s'avérer indispensable, alors que la série fait beaucoup parler d'elle en ce moment, comme Squid Game l'année dernière, qui a été visionnée par beaucoup trop d'enfants.
Les familles des victimes choquées par la série Netflix
Si certains spectateurs ont eu du mal à regarder DAHMER, le succès de la série semble confirmer qu'elle est certes effrayante, mais pas assez pour être irregardable. Mais ce carton pose un autre problème, cette fois aux familles des victimes. Car beaucoup de critiques reprochent à la série de mettre "en vedette" le meurtrier, et de ne pas suffisamment évoquer les victimes. C'est ce qui est notamment dit dans un article de Vulture, repris par Courrier International, dans lequel il est écrit que la série aurait mieux fait de “se concentrer principalement sur les gens qui ont souffert de Dahmer, plutôt que sur le monstre cannibale et ses atrocités”. Un avis qui est rejoint par Rita Isbell, la sœur d'Errol Lindsey, l'une des 17 victimes de Jeffrey Dahmer. Dans une interview accordée à Insider, elle ne regrette pas d'apparaître dans la série, en étant incarnée par l'actrice DaShawn Barnes, mais déplore de ne pas avoir été consultée. Dommage, sachant que son intervention est mémorable : alors qu'elle avait préparé un texte pour expliquer les conséquences du meurtre de son frère pour elle et sa mère, elle avait explosé, et improvisé une déclaration choc, après avoir compris en regardant Dahmer dans les yeux qu'il était le mal absolu. Une séquence phare, qui montre une nouvelle fois tout le réalisme de la série :
Dans cet entretien, Rita Isbell regrette donc de ne pas avoir été informée du tournage de la série, ni d'avoir été consultée, alors que voir les faits à nouveau exposés de façon aussi médiatique lui font forcément revivre ces moments tragiques. "Je n'ai jamais été contactée à propos de la série. Je pense que Netflix aurait dû nous demander si cela nous dérangeait ou comment on le ressentait. Mais ils n'ont rien demandé. Ils l'ont juste fait." Ce qu'elle déplore, mais comprends, tout en espérant que Netflix puisse faire un geste pour les familles des victimes : "Je pourrais à la rigueur comprendre si Netflix donnait de l'argent aux enfants des victimes (...) Les victimes avaient des enfants et des petits-enfants. Si la série pouvait leur bénéficier d'une certaine façon, alors son existence ne semblerait pas si dure à encaisser et dénuée d'intérêt [pours les familles des victimes]". Et Rita Isbell ne regardera pas la série : "Je n'ai pas besoin de voir les faits, je les ai vécus".
Autre réaction rejoignant ce "devoir de mémoire", celle publiée par l'acteur Shaun J.Brown, interprétant Tracy Edwards dans DAHMER. Sur son compte Twitter, il a tenu à rappeler que les faits s'était réellement produits, et qu'il fallait bien garder cela en tête : "Je vous demande, quand vous regarderez la série, de vous souvenir que ces hommes étaient des fils, des meilleurs amis, des cousins, des oncles, avec des rêves, des espoirs et des buts qu’ils n’ont pu concrétiser".
Programme choc, DAHMER suscite donc de très nombreuses réactions, et n'a sans doute pas fini de faire parler, posant le problème de l'adaptation de faits réels en fiction. S'il y a, en France et dans d'autres pays, une vraie passion pour les true crimes, voir des faits aussi cruels être retranscrits avec autant de réalisme peut heurter la sensibilité des spectateurs. DAHMER est une série effrayante, c'est un fait. Pas parce qu'il y a plus de sang, de jump scares ou de scènes d'horreur que dans d'autres. Mais parce qu'elle décrit des faits avérés, montrant aussi bien la défaillance, teintée de racisme, des autorités, que la cruauté d'un homme. Et c'est bien ça le plus effrayant : Jeffrey Dahmer a vraiment existé, et ces meurtres ont vraiment été commis ainsi.
Sources : Vulture, Courrier International, Insider
