
Qui est Vernon Subutex ?
Anti-héros d’une trilogie littéraire, le personnage imaginé par Virginie Despentes arrive en série. Mais qui se cache vraiment derrière cette personnalité qui risque de détonner dans le paysage audiovisuel français ?
Retour dans les années 1980
C’est un drôle de nom, pour un personnage français. Son prénom vient de l’un des pseudonymes de Boris Vian, Vernon Sullivan. Et son nom, à celui donné à la buprénorphine, un produit de substitution dans les traitements pour l’addiction à l’héroïne. Le décor est planté. Bien que les romans aient été publiés entre 2015 et 2017 et se situent à cette période, ils laissent flotter autour de Vernon est ses amis un doux parfum de nostalgie. On y respire le vinyl (en disque), les blousons en cuir, le rock, la bière frelatée et les soirées où on parle fort dans la rue, où on fume dans les bars. On y retrouve le Paris de l’underground, de Ménilmontant à la rue de la Roquette, avant d’y explorer ses aspects plus bobos, en dégustant des pintes à 10€ au Rosa Bonheur, au sommet des Buttes-Chaumont. On y sent surtout le drame social. Celui d’un homme qui est resté figé dans le passé, qui s’est laissé dépasser par le train du progrès et l’ère digitale. Littéralement. Car Vernon n’a pas vu venir la crise du disque, qui a mis à mal sa boutique, le Revolver, où plus personne ne va. Il ne s’est pas habitué à travailler huit heures par jour derrière un ordinateur. Quand il entend “start-up nation”, il se demande si c’est un nom de groupe. À aucun moment il ne se dit qu’il peut être concerné. Alors Vernon se retrouve sans travail, presque sans amis. Isolé dans une bulle de nostalgie secouée par les tourments d’un monde en mouvement et qui va vite, trop vite. Il connaît les galères avec Pôle Emploi que bien des français connaissent. Comment retrouver un travail quand tout ce que l’on connaît, c’est la musique ? Personne ne va vous payer pour en écouter ou en parler. Ou alors dans une émission de télé-crochet. Mais ça, ce n’est pas la vraie vie. Et Virginie Despentes a clairement voulu inscrire Vernon Subutex dans la réalité de son époque.
Un polar social et rock’n’roll
Il y a un peu d’Irvine Welsh dans l’écriture de Despentes. Les héros de Vernon Subutex sont pris dans le même cercle vicieux que ceux de Trainspotting, avec un Vernon qui va croiser une sacrée galerie de personnages après avoir perdu son logement…Une actrice porno, un SDF, un trader, un scénariste aux penchants racistes, une jeune musulmane pratiquante... La société française y est décrite et retranscrite dans ce qu’elle a de plus réel et souvent de plus triste, mais avec une dimension humaine qui permet au lecteur de s’attacher à ce groupe hors normes.
Au milieu de cette alternance entre marasme et sarcasme se développe un enjeu. Un ami de Vernon, Alex Bleach, a réussi une grande carrière musicale. Après son décès, incident déclencheur de l’intrigue, Vernon se rend compte que Bleach a enregistré chez lui des heures de monologue, ses confessions en quelque sorte. Et cela pourrait valoir un sacré pesant de cacahuètes. Se déclenche alors une chasse au trésor un peu absurde, donnant une ambiance d’enquête et de thriller qui devrait être au cœur de la série. D’autant plus que l’on annonce une Céline Salette toujours au top dans le rôle de la Hyène, la cyberdétective qui ne lâche rien. Vernon Subutex, ou l’histoire d’un perdant magnifique, a tous les ingrédients pour devenir la série la plus “sex, drugs and rock’n’roll” de 2019.
