Musique

Eurovision 2019 : que s’est-il passé ?

Le YouTubeur Bilal hassani et sa chanson “Roi”, candidat à l’Eurovision 2019 en Israël. © JACK GUEZ / AFP

Samedi 18 mai, les Pays-Bas ont remporté la 64e édition de l’Eurovision laissant la France loin derrière. Que s’est-il passé ?

Gigantesque douche froide ce samedi 18 mai 2019. À l’aube de la finale de la 64e édition, la France, représentée par le flamboyant Bilal Hassani, avait depuis longtemps, l’espoir de remporter la compétition. Haut placé dans les statistiques établies par les bookmakers, le jeune chanteur avait tout pour arriver au sommet. Les Français et les Françaises étaient au rendez-vous, près de cinq millions à soutenir leur poulain, devant un programme réalisant sa meilleure part de marché depuis dix ans (30,2%).

Malheureusement, le peuple européen en a décidé autrement. Les Pays-Bas, représentés par Duncan Laurence et sa chanson Arcade arrivent en tête. C’est avec une immense désillusion que nous échouons à la 14e place, au milieu du tableau, avec un score inférieur à celui des trois années précédentes. Mais que s’est-il passé ?

Bilal Hassani : une performance en demi-teinte

Ça n’a échappé à personne : Bilal Hassani, samedi soir, ce n’était pas complètement ça. On le connaissait plein d’énergie, on le connaissait brûlant de passion, pourtant, sur la scène de la finale de l’Eurovision, il y avait quelque chose de moins. Sa voix semblait légèrement étouffée. Certes, on sait bien qu’il n’a ni la voix de Mariah Carey, ni celle de Céline Dion. Mais jamais on ne l’avait entendu comme ça.

Vendredi, la veille de la grande finale, on apprenait par Le Parisien que Bilal Hassani était contraint au silence pour “préserver sa voix après une alerte lors d’une séance de coaching vocal, avec sa professeure et ses choristes.” Serait-il possible que ses cordes vocales n’aient pas eu le temps de se remettre pour la finale ? Résultat : une performance en demi-teinte qui a pu lui coûter cher et faire changer l’avis des juges et téléspectateurs au dernier moment lors de l’attribution des points.

Roi : un mauvais choix de chanson ?

Et si le problème venait en réalité du choix de la chanson ? On ne va pas retourner notre veste au dernier moment : nous adorons et continuerons d’adorer cette chanson quoi qu’il en soit. Mais à la réflexion, est-ce vraiment celle qui met le plus en valeur le jeune chanteur ? Bilal Hassani avait été vanté pour son extravagance, qui vient mettre un peu de queer dans la compétition. Si Roi évoque l’importante acceptation de soi, la performance finale reste moins spectaculaire que ce qu’on aurait pu attendre du garçon. Une chanson plutôt calme qui ne mise pas sur tous ses atouts. Laquelle aurait-il donc été plus judicieux de choisir ? Fais Beleck aurait pu avoir un impact plus percutant, par exemple.

Énergie, chorégraphie, tout y est. On imagine déjà Bilal Hassani accompagné d’une dizaine de danseurs arborant la même perruque que lui, de quoi livrer une performance flamboyante, à son image. Le problème, c’est que la chanson ne véhicule pas le même message que Roi. Pas de panique, on a la solution : Jaloux.

Avec ce titre, on retrouve l’intensité du jeune chanteur et ses revendications sur l’acceptation de soi et contre les discriminations. On prend une grande marmite, on mélange la performance de Roi, on y ajoute le clip de Fais Beleck, on place tout ça sur la musique de Jaloux et on obtient, un show haut en couleur, à la hauteur de la personnalité explosive de Bilal Hassani.

Eurovision : la solidarité des pays nordique en cause ?

Il reste encore un dernier problème. On pourra toujours présenter le meilleur des spectacles, la France aura toujours un train de retard sur ses concurrents. Pour la simple et bonne raison qu’on ne nous aime pas. Ou plutôt que nous ne sommes au coeur d’aucun réseau solidaire. Jean-François Gleyze, chargé de recherche à l’Institut Géographique National, a analysé “L’impact du voisinage géographique des pays dans l’attribution des votes au Concours Eurovision de la Chanson”. Les différents participants au concours votent-ils pour les meilleurs candidats ? Pas nécessairement. C’est un critère qui rentre en compte, mais on vote surtout pour ses copains en priorité. Du moins, c’est ce que révèle la recherche de Jean-François Gleyze. La proximité géographique prévaut souvent plus qu'autre chose.

Infographie résumant les liens entre les différents participants à l’Eurovision, issue de la recherche “L’impact du voisinage géographique des pays dans l’attribution des votes au Concours Eurovision de la Chanson”, menée par Jean-François Gleyze.
Infographie résumant les liens entre les différents participants à l’Eurovision, issue de la recherche “L’impact du voisinage géographique des pays dans l’attribution des votes au Concours Eurovision de la Chanson”, menée par Jean-François Gleyze. © Jean-François Gleyze / Cybergeo

À l’Eurovision, comme le résume l’infographie ci-dessus, on retrouve plusieurs alliances implicites. Celle des pays scandinaves, celle de l’Europe du Sud, celle de l’Europe de l’Est… Quand on vient du même coin, on se soutien. Problème, un pays n’appartient à aucun groupe et n’obtient les faveurs de personne : la France. On n’aime personne et personne ne nous aime, c’est de bonne guerre. Résultat : on n’est pas près de gagner l’Eurovision.

Bilal Hassani aurait-il dû gagner ce grand concours Européen de la chanson ? Peut-être pas. Une chose est sûre, il ne méritait pas une si mauvaise note. Il ne méritait pas une telle sévérité de la part des juges, ni des votes des téléspectateurs qui ont d’ailleurs renversé les résultats. N’oublions pas que le jeune garçon reste très heureux de son expérience et affirme avoir réalisé son rêve. Il ne reste plus qu’à essayer de faire mieux l’année prochaine...

Sources : Le Parisien, “L’impact du voisinage géographique des pays dans l’attribution des votes au Concours Eurovision de la Chanson”, Jean-François Gleyze

Clément Capot
https://twitter.com/Clepotp Clément Capot Rédacteur