Musique

Rock en Seine, jour 2 : le live report du samedi 24 août 2019

Major Lazer a débarqué sur la Grande Scène avec un son et une mise en scène survoltés pour clôturer la journée. © Jessica Rat / SFR Actus

Après le concert monstrueux des légendaires The Cure la veille, les festivaliers avaient le droit à une journée du samedi pour le moins éclectique au niveau de la programmation...

"Où est le rock ?" est sans doute la question la plus posée pour ce second jour, où les groupes à guitares n'étaient clairement pas à l'honneur, au contraire de la veille ou surtout du lendemain. Ce qui s'est ressenti au niveau de l'ambiance, tantôt posée, tantôt dansante, et de l'affluence, bien moindre que la veille.

Catastrophe et ambiance jazzy

Ce que l'on peut constater durant le concert de Catastrophe, sur la Grande Scène à 15h30. Le public est clairsemé, et ne semble pas se passionner des masses pour la musique expérimentale du groupe français, un peu pop, vaguement electro et parfois même disco. Il faut dire qu'il fait très, très chaud, et que le chanteur de la formation instaure une drôle d'ambiance avec des anecdotes comme : "Je suis allé me promener dans le parc regarder les statues, et il y en a une qui m'a parlé." Ou encore : "Quand je tape dans mes doigts, je veux que tout le monde repense très fort à son premier souvenir sur Terre." Beaucoup trop tôt pour ce genre de trip.

Celeste a su attirer la foule avec sa voix soul qui résonnait devant la scène de la Cascade ce samedi après-midi.
Celeste a su attirer la foule avec sa voix soul qui résonnait devant la scène de la Cascade ce samedi après-midi. © Jessica Rat / SFR Actus

Autre scène, autre ambiance avec Celeste. La chanteuse anglaise berce la foule de son style jazzy-soul, avec un backing band bien efficace, notamment au saxo. Du coup, les gens en short sur une pelouse en plein soleil ont l'impression de se retrouver dans un club sombre de La Nouvelle-Orléans, en costume ou robe de soirée, à siroter un cocktail. Une sacrée voix qui fait rappliquer et rester le public au fur et à mesure du set, où elle enchaîne ses titres déliceusement langoureux tels que Lately, du nom de son EP, ou l'émouvant Father's Son. Ce qui n'aide pourtant pas la chanteuse à se décontracter : elle est presque figée sur scène, et ne semble pas savoir quoi faire de ses mains. Par contre, elle sait parfaitement quoi faire de sa voix : des merveilles. Une très jolie découverte.

Cinq scènes à pieds, ça use, ça use les souliers

Rock en Seine, en plus de voir et écouter plein de groupes, c'est aussi l'occasion de faire les fameux 10 000 pas recommandés par jour en moins de deux heures. Il suffit pour cela de se déplacer entre les cinq scènes du festival. De la Grande située au fond du domaine national de Saint-Cloud à celle des 4 Vents tout à l'entrée du site, en passant par celle de la Cascade, celle réservée aux groupes de l'Île-de-France, ou encore la Firestone, du nom de la marque de pneus qui la sponsorise.

C'est justement le groupe Kitichies, de Nice, qui entame son set sur cette petite scène, devant une audience bien motivée à s'amuser. Il faut dire que la formation à tout du groupe parfait à écouter en été. Le côté groovy peut faire légérement penser à du Stuck in the Sound, tandis que la voix nasillarde ressemble par moments à celle d'Asaf Avidan, notamment dans les envolées de trémolos parfois poussives... Quoiqu'il en soit, le groupe envoie ses morceaux avec énergie, dont Summer Ends, leur single le plus folk, bien accueilli. À noter que la présentation du groupe avait été faite "avec classe" au début du concert par Corneille. Non pas celui du Cid, mais celui "qui vient de loin".

Sur la Grande Scène, le reste de la programmation va confirmer la grande diversité musicale de ce samedi. C'est même le moment WTF de la journée qui vient entre 17h et 18h, avec le concert de Louis Cole Big Band. Lui est à la batterie et chante, pendant que danse une troupe déguisée avec des tenues de squelettes, dont deux femmes qui roulent sur scène juchées sur des... motos en plastique pour enfants. Du jazz, du funk, de l'electro : il y a un peu de tout et beaucoup de n'importe quoi dans ce groupe, ce qui ne manque pas d'amuser le public qui en prend plein les yeux et les oreilles.

Jorja Smith, la nouvelle star

Parmi les concerts très attendus de la journée, celui d'Alpha Wann. Le membre de 1995 débarque à 18h45 devant un parterre bien motivé. Grosse ambiance hip-hop, avec notamment un DJ qui hurle tellement souvent "les mains en l'air" qu'on se croirait dans un braquage. La scène est vite occupée par les amis du chanteur, qui viennent danser et montrer leurs grosses bouteilles — qui ne contiennent pas que de l'eau — pour motiver les premiers rangs. K.S.A, alias Le Loup Blanc, rejoint Alpha Wann pour plusieurs morceaux, dont l'étonnant Courchevel, qui met presque une ambiance à la Fatal Bazooka dans le parc de Saint-Cloud. La foule, en délire, se déchaîne bien comme il faut sur les gros sons des rappeurs.

Bien plus posée, la soul de Jorja Smith va vite devenir l'un des grands moments de ce samedi. Véritable phénomène outre-Manche, la chanteuse anglaise d'origine jamaïcaine est annoncée comme la digne héritière de Lauryn Hill et Amy Winehouse. On rajoutera à ce joli cocktail une petite dose de Rihanna, pour son timbre de voix et son attitude sur scène. Clairement nous voilà en présence d'une star, et elle le sait, multipliant les gestes et les poses pour le plus grand bonheur des appareils photos et caméras. Le jeu de lumière est également impeccable, et Jorja Smith possède déjà une solide fanbase en France, avec des jolies séances de sing along sur Be Honest, Let Me Down ou Blue Lights, extraits de son premier album Lost and Found.

Le public a totalement succombé au charme de Jorja Smith, qui le lui rend bien sur la Grande Scène ce samedi soir.
Le public a totalement succombé au charme de Jorja Smith, qui le lui rend bien sur la Grande Scène ce samedi soir. © Jessica Rat / SFR Actus

Elle a le même nom que Robert, qui enflammait la même Grande Scène la veille, mais dans un autre genre... Et ce n'est peut-être pas un hasard : elle, aussi, a tout le potentiel pour devenir une grosse tête d'affiche. Un sentiment renforcé par la très grosse performance du backing band de l'artiste, qui a joué le set à la perfection avec notamment de pures lignes de basse. Et même une guitare ! De quoi faire passer Jorja Smith pour l'artiste la plus rock de la journée. Ce qui en dit long sur le reste de la programmation...

Quand Rock en Seine se transforme en boîte de nuit

Cette dernière aura fait pester bon nombre de festivaliers, qui vont voir toutes leurs craintes se confirmer durant le set de Major Lazer. Puisqu'on est samedi soir, Rock en Seine est transformé en boîte de nuit de station balnéaire. Le groupe d'electro présente un set radicalement différent des sons qu'on leur connaît, avec des morceaux qui s'enchaînent à un rythme infernal. Mais pendant que certains poussent de grands soupirs en ayant l'impression d'avoir la tête coincée dans un lave-linge, le public le plus jeune danse à blinde dans la fosse.

Parmi les fumigènes et confettis, une troupe de danseuses survoltées !
Parmi les fumigènes et confettis, une troupe de danseuses survoltées ! © Jessica Rat / SFR Actus

Tout est fait pour que l'ambiance ne retombe jamais. On est bien loin de l'atmosphère posée du tube Lean On, qui est vite expédié. À tel point qu'on a presque l'impression d'avoir un autre groupe que Major Lazer sur scène. Il y a des projecteurs qui partent dans tous les sens, des vidéos qui défilent sur les écrans géants, des canons qui balancent des confettis, des jets qui alternent entre fumigènes et flammes... et des chanteurs qui demandent si souvent aux gens de mettre les bras en l'air que chaque personne sait maintenant quelle marque de déodorant son voisin utilise. Très à la mode, "Fleur de Transpi", apparemment.

Comme à la kermesse, des t-shirts sont en outre lâchés toutes les deux chansons (à un moment donné on croit même voir Diplo lâcher un... saucisson), et des pom-pom girls enchaînent les chorégraphies plus ou moins lascives. Autant dire que tout le monde ressort de ce concert lessivé, mais pas forcément pour les mêmes raisons.

On ne rêve pas, c'est bien un authentique sauciflard que le DJ s'apprête à jeter dans la foule ?
On ne rêve pas, c'est bien un authentique sauciflard que le DJ s'apprête à jeter dans la foule ? © Jessica Rat / SFR Actus

Une bien drôle de journée pour le festival, qui n'aura décidément pas permis de répondre à la question "où est le rock de Rock en Seine ?" . Ce samedi, il était comme sur Skyrock, aux abonnés absents. Sans doute par volonté de séduire un public plus jeune, celui qui va aux Solidays ou au Fnac Live. Un choix osé, mais pas forcément payant, quand on voit l'affluence du vendredi, ou surtout l'ambiance d'un dimanche, beaucoup, beaucoup plus rock...

Sébastien Delecroix
https://twitter.com/seb_o_matic Sébastien Delecroix Rédacteur