
Rock en Seine, jour 3 : le live report du dimanche 25 août 2019
Troisième et dernier jour pour cette édition 2019 de Rock en Seine, avec un programme très dense (Roal Blood, Foals, Two Door Cinema Club, Aphex Twin...), et surtout très rock. Enfin !
Après un samedi où les guitares électriques étaient restées dans les étuis pour une programmation bien plus soul et électro que rock, le genre de prédilection du festival est enfin de retour sur l'affiche. Et pas qu'un peu. Conséquence directe : plus de monde que la veille, et un public bien plus motivé ! La preuve que le rock fonctionne toujours très bien en festival. Après tout, ce n'est pas comme si le Hellfest était sold out avant même d'annoncer sa programmation... Ah bah si, en fait.
Alerte canicule au domaine national de Saint-Cloud
La journée commence de façon caniculaire. À 14h00, il fait bien 40°C à l'ombre. Une chaleur à propos pour le set de La Chica, artiste franco-vénézuélienne dont l'on pourrait qualifier la musique d'"electro-pop latina", sur la scène des 4 Vents (qui ne soufflent pas pour rafraîchir les courageux déjà sur place). Elle chante en espagnol, parfois en anglais, et s'adresse à la foule en alternant la langue de Molière et celle de Cervantes. L'occasion pour les festivaliers de vérifier s'ils comprennent aussi bien l'espagnol qu'ils le pensaient après avoir regardé La Casa de Papel. Au milieu de ses titres dansants, La Chica se lance dans un morceau a capella, Canto Del Pilon. Une chanson traditionnelle qu'elle dédie à sa famille au Vénézuela, pays où "la situation est hardcorissime, mais dont on ne parle pas", avant d'enchaîner sur son single le plus connu, Oasis. Un set caliente, idéal pour lancer cette journée.

De chaleur il est également question sur la scène de la Cascade, qui malgré son nom n'est pas non-plus rafraîchissante pour les Mini Mansions. Emmené par Michael Shuman, bassiste de Queens of the Stone Age, excusez du peu, le groupe américain assène son rock puissant entre envolées pop et gros riffs stoner. Comme si les Beatles avaient passé quelques mois en salle de muscu. La foule est conquise par les tubes Death Is a Girl ou Vertigo, mais les problèmes techniques rythment autant le concert que la batterie de John Theodore, autre membre de Queens of the Stone Age à faire partie des Mini Mansions. La chaleur met en effet le matos à contribution, et il faut changer de guitares, laisser reposer les têtes d'amplis... Ainsi le dernier morceau, Mirror Moutain, devra même être écourté faute de temps. Dommage, mais une prestation très solide et saluée par le public. Rien d'étonnant avec un tel casting...
C'est la c'est la salsa du démon !
Histoire de ne pas faire baisser la température, ce sont les Nord-Irlandais de Two Door Cinema Club qui prennent possession de la Grande Scène à 16h00. Et pour l'heure du goûter, ils ont amené de nombreuses sucreries : tous leurs tubes ! En 45 minutes de set, ils vont forcément à l'essentiel, et la foule se met à danser dès les premières notes de Talk, chanson du nouvel album bien efficace en live, ou sur le riff de guitare ultra catchy de Undercover Martyn. C'est la grosse fiesta sur la pelouse, mais une question se pose tout de même : comment le chanteur Alex parvient-il à supporter son costard bleu et son... col roulé orange ? Toujours à contre-courant ces Britanniques : ils roulent à gauche, mettent du vinaigre sur leurs frites, s'habillent en t-shirt quand il fait -15°C, et donc en col roulé quand il fait 35...

Mais là où ils sont redoutables, c'est en matière de rock ! Chaque chanson sonne comme un jingle publicitaire... D'ailleurs, le gros tube What You Know en était un, pour le Crédit Agricole ou Euromillions ! Des centaines de spectateurs passent en mode "ah mais je la connais celle-là". Et voilà que ça danse de façon encore plus endiablée qu'à la salsa du démon. Une belle grosse prestation, qui s'achèvera par un titre bien à propos aujourd'hui : Sun.
À l'autre bout du festival, le trio lyonnais de Décibelles joue très fort, avec des relents grunge évidents dans les riffs. Logique, pour un groupe qui vient d'enregistrer un album avec Steve Albini (Nirvana, Pixies) en personne. Les chansons en anglais succèdent à celles en français, dont Le Seum, avec ses paroles qui choquent / amusent la foule : "Je ne vais plus dans la rue, parce que ça pue la mort, voir vos sales faces de porc, ça me rend hyper tendue". Ça fait toujours plaisir.
Bien plus posé, sur la scène de la Cascade, Sam Fender envoie sa pop parfaite pour la "ballade" du dimanche. Et oui, lui et son groupe jouent bien sur des guitares de marque Fender. En même temps avec un nom comme ça, c'était le plus évident des endorsements... Mais pas trop le temps d'apprécier cette petite accalmie, car sur la Grande Scène, c'est la guerre qui va commencer...
C'est ça le rock, il y en a qui confondent
Il est 17h30, et il est là, le groupe le plus VNR du week-end. Bring Me the Horizon arrive sur MANTRA, et voilà qu'on se croirait au Hellfest, avec une ambiance post-apo, les gros cris screamo du chanteur Oliver Sykes, et des fans au taquet en déclenchant des circles pits dans la fosse. Alors, c'est quoi un circle pit ? Tout simplement une jolie bande d'énergumènes qui s'amusent en courant en rond pour décrire un cercle au milieu de la foule. C'est spectaculaire et ça soulève beaucoup de poussière. D'ailleurs il est amusant de constater que durant le set de BMTH, les premiers rangs composés des fans du groupe sont agités, tandis que le reste des spectateurs reste en retrait (à l'abri ?) pour profiter du spectacle.

Et il y en a aussi sur scène, avec les musiciens flanqués de combinaisons blanches, le chanteur d'une rouge, et des complices déguisés qui viennent souvent déclencher leur canon à CO2, histoire d'instaurer une ambiance à la Mad Max. Les gros riffs heavy succèdent aux refrains plus emo, comme sur Shadow Moses et Happy Song. Mais c'est que faire tout ce raffut, ça fatigue. Alors le groupe va se changer en plein milieu du concert et revient achever son set dans des tenues plus légères, avec un son toujours aussi puissant, faisant penser à une version ultra-vénère de Linkin Park. Le final revient forcément au gros tube de Bring Me the Horizon, Throne, histoire de faire chanter tout le monde. Un passage pas du tout en douceur qui aura déclenché des passions, ou au moins interloqué les spectateurs. C'est sûr que ça change de Major Lazer...
Autre machine à riffs à être lâché en pâture durant cette ultime journée de Rock en Seine, l'impeccable duo anglais de Royal Blood. On se demande toujours comment ils parviennent à faire autant de bruit à deux. En jouant à blinde, tout simplement ! À la basse, Mike Kerr multiplie les riffs plus saignants qu'un steak haché de la cantine, et ce dès le début du concert, avec Hook, Line & Sinker. C'est aussi puissant que précis, sonnant comme une rencontre musclée entre Muse, Arctic Monkeys et les Foo Fighters. Pas franchement les pires des références !
Pour obtenir ce son bien particulier, Kerr branche son instrument à un ampli basse, à un autre pour guitare électrique, et utilise de nombreuses pédales. De quoi faire plus qu'illusion, et sonner comme un groupe à part entière. Bon par contre à un moment, ils ont voulu installer un synthé, mais ça ne fonctionnait pas, alors ils ont juste... abandonné la chanson prévue (Hole in Your Heart) ! Mais personne ne leur en tiendra rigueur, car la foule semble ravie de pouvoir remuer la nuque ou les chevilles tandis que retentissent les notes surpuissantes de Come on Over ou Lights Out. À la batterie, Ben Thatcher est encore plus furieux que Margaret et maltraite autant ses fûts qu'un pilier de bar. Il est même rejoint par John Theodore des Mini Mansions et Queens of the Stone Age pendant son solo monstrueux sur Little Monster.
Le niveau des mecs est tout de même assez hallucinant, avec Mike Kerr qui fait carrément du taping à la basse sur le gros tube Figure It Out. Le taping, c'est jouer les notes sur le manche sans gratter les cordes de son autre main. Et vu l'épaisseur des cordes de basse, il faut une sacrée puissance dans les doigts pour faire ça correctement. Ses massages doivent être redoutables... Seul bémol à ce gros concert, les transitions très lentes entre les morceaux. Mais pas de quoi faire retomber la pression, alors que Royal Blood finit d'assommer Rock en Seine avec Out of the Black comme dernier morceau.
La cage aux Foals
Chose -un peu- étrange, la présence des très attendus Foals sur la scène de la Cascade plutôt que sur la Grande Scène. Mais bon, vu la richesse de la programmation pour ce dimanche soir, il fallait bien les caser quelque part, et le plus tard possible. Résultat : l'affluence est énorme devant leur set. Les spectateurs bien motivés, maintenant que la nuit est tombée (et que la température a chuté), se lâchent complétement. Ça danse du premier rang au fond de la pelouse en passant par la buvette ou le stand de saucisses. Avec des titres comme My Number, le groupe d'Oxford électrise la foule, avant de livrer des titres plus furieux sur la fin du concert, avec notamment Black Bull, premier extrait de Everything Not Savec Will Be Lost - part 2, leur prochain album à paraître, et qui se révèle particulièrement efficace en live ! L'ambiance est à son apogée, et le grand final laissé à Two Steps, Twice est une nouvelle démonstration de la grande maîtrise technique du groupe, parfaitement en place, avec son pont parfait pour faire chanter "Papala, papala-papa" à une foule désormais en transe ! Grand moment.
Mais pas le dernier pour cette édition 2019 de Rock en Seine, puisque c'est au DJ Aphex Twin que revient l'honneur d'achever ce dimanche. Véritable légende de la scène électro, il n'avait pas joué en France depuis huit ans, et sa venue était clairement ce genre d'événement que nos ancêtres devaient marquer d'une pierre blanche. Non parce que maintenant, les agendas sont plutôt sur les smartphones, alors s'il fallait les noter avec des pierres, ça ferait beaucoup d'écrans cassés quand même... Enfin bref.
Beaucoup de fans sont postés aux premiers rangs pour apprécier les sonorités d'Aphex Twin, quand la majorité regarde la prestation par curiosité. L'introduction, très industrielle, est vraiment très longue et plonge le domaine national de Saint-Cloud dans une drôle de torpeur, avant que le rythme ne s'accélère et que le spectacle visuel ne s'intensifie. Alors que les images défilent sur les écrans et que les lasers déchirent le ciel comme à une prestation de Jean-Michel Jarre, une séquence vient amuser la foule. Les membres de l'équipe de France de football surgissent sur les écrans, les visages déformés dans des caricatures. Et puis ce sont Jean-Luc Mélenchon, Aya Nakamura, Samy Nacéri dans Taxi, Coluche, Brigitte Bardot, JUL, Johnny Hallyday et même Alexandre Benalla qui apparaissent, provoquant des rires et suscitant la curiosité. Plus qu'un concert de musique, il s'agissait en fait d'une performance artistique.
Le rideau tombe ainsi sur l'édition 2019 de Rock en Seine, qui aura principalement été marquée par la venue de The Cure. L'arbre qui cache la forêt pour certains, le seul nom de la troupe de Robert Smith suffisant presque à dissimuler la faiblesse de la journée de samedi. Mais avec un dimanche rock'n'roll et une affluence plus considérable que le samedi, le public a envoyé un signe assez fort de ce qu'il espérait entendre et voir lors de Rock en Seine. Un indice : c'est dans le nom du festival. Et on ne parle pas de la Seine...
