
Tina : rencontre avec les réalisateurs du documentaire choc sur Tina Turner
À l'occasion de la sortie, enfin, de ce documentaire signé HBO en DVD en France, SFR Actus a pu s'entretenir avec ses réalisateurs Dan Lindsay et T. J. Martin. Ils nous racontent comment la carrière et la vie personnelle de Tina Turner sont indissociables, comment cette artiste devenue une véritable icône doit encore vivre aujourd’hui avec son traumatisme, mais aussi comment, malgré tout, on lui trouve dans ce documentaire un vrai happy end…
Tina, c’est le parcours incroyable de celle qui s’est fait connaître aux côtés de son ex-époux, Ike Turner, avant de devenir – la quarantaine bien entamée – la Reine du Rock’n’Roll. Surtout, ce nouveau documentaire présenté sur la plateforme HBO Max aux États-Unis, nommé aux derniers Emmy Awards, et désormais disponible en France avec sa sortie en DVD ce mercredi 29 septembre, revient sur l’histoire de cette femme victime de violences conjugales, qui s’est non seulement extirpée de l’enfer mais a ensuite réalisé le plus grand des comebacks, seule sur les devants de la scène. Rencontre avec ses réalisateurs, Dan Lindsay et T. J. Martin.
Comme on peut le voir dans le documentaire, l’histoire de Tina Turner a déjà été racontée dans un livre autobiographique dans les années 1980, un biopic au début des années 1990, puis à nouveau tout récemment à Broadway… En quoi vous êtes-vous dit qu’il y avait encore quelque chose à raconter aujourd’hui ?
Dan Lindsay : En fait c’était en quelque sorte une découverte pour nous. La comédie musicale était en train d’être montée, on n’avait pas encore vraiment réalisé que c’était en train de se faire, mais on savait en revanche qu’il y avait eu ce film… On s’est dit que le format du documentaire était sans doute la façon la plus pertinente de raconter son histoire, parce que ça viendrait directement de Tina. Puis en réalité, c’est vraiment lorsqu’on s’est plongés dans ce projet qu’on s’est rendus compte à quel point son histoire avait déjà été explorée. Donc on a fait le choix assez vite de partir de là et de se demander pourquoi cette histoire lui colle autant à la peau, pourquoi sa vie en dehors de sa musique a été autant racontée. Ensuite, dès qu’on l’a rencontrée la première fois, au tout début du projet, on a vraiment commencé à comprendre sa relation avec sa propre histoire, et c’est ça qui a donné l’angle du documentaire.
Donc c’est la première chose que vous avez fait pour ce documentaire, rencontrer Tina Turner en personne ?
T. J. Martin : Au départ on souhaitait interviewer d’autres participants, avant Tina, puis l’emploi du temps a fait qu’on a dû commencer avec elle… Mais c’est finalement en la rencontrant, sans caméras d’abord, qu’on a justement trouvé l’angle du documentaire. Lors de ces premières quelques rencontres informelles, Tina s’est montrée très ouverte et honnête, s’inquiétant notamment de trop parler de Ike, qui apparaît encore dans ses cauchemars... On ne s’attendait pas à ça, cette notion qu’elle est toujours en train de digérer ce trauma. Donc avec Dan on s’est demandé pourquoi celui-ci perdure ainsi. Et c’est le fait que son histoire soit si associée à celle d’Ike, et que cette histoire a été racontée autant de fois, comme vous l’avez remarqué. On a cette femme qui tente de tourner la page, de vivre le moment présent, mais à chaque fois qu’elle fait une interview ou quoique ce soit, on lui rappelle son passé. Donc on s’est dit qu’il y avait peut-être un double récit : l’histoire de Tina Turner, et l’histoire de l’histoire de Tina Turner. On les suit toutes les deux tout le long du documentaire et elles finissent par se rejoindre. Donc oui, l’angle du film vient finalement de Tina elle-même.

Comme vous le dites, cette période de sa vie a été traumatisante, et on voit effectivement dans le documentaire que c’est encore très difficile pour elle d’en parler. Selon vous, pourquoi a-t-elle accepté de raconter une nouvelle fois cette histoire ?
Dan Lindsay : Tout d’abord, une fois qu’on a compris qu’on aurait accès aux enregistrements des deux interviews clés qu’elle avait données, d’une part à People Magazine et d’autre part à Kurt Loder, pour le livre autobiographique Moi, Tina, on savait qu’on n’aurait pas besoin de lui demander de revenir sur des détails spécifiques. Qu’on utiliserait ces enregistrements pour ne pas avoir à trop la replonger dans le traumatisme, en lui demandant de raconter à nouveau en détails certains moments les plus traumatisants de sa vie. Cela étant dit, je ne pense pas que Tina soit contre le fait d’en parler, c’est quelqu’un de très ouvert… C’est juste qu’elle est consciente des conséquences, de comment ça l’affecte encore quand elle en parle. Donc pour nous, notre propre entretien avec elle consistait plus à réfléchir à comment la façon dont elle voit les choses a pu évoluer avec le temps. Comment Tina, 80 ans, ressent les choses différemment par rapport à Tina, 45 ans, lorsqu’elle témoignait pour Moi, Tina, et par rapport à Tina, 38 ou 40 ans, lorsqu’elle donnait son interview à People Magazine. Donc on a voulu la protéger, ne pas lui demander quoique ce soit qui n’était pas nécessaire, mais elle a elle-même compris et choisi de considérer tout cela pour le bien du documentaire.
Ça a dû être très difficile d’essayer de résumer la vie et la carrière de Tina Turner en tout juste deux heures de temps. Y a-t-il eu des passages que vous regrettez de n’avoir pas pu garder dans le documentaire ?
Dan Lindsay : On a tout de suite accepté, parce qu’on savait qu’elle avait vécu tant de choses et eu une si grande carrière, que ce n’était pas possible de tout contenir dans un film de deux heures. Au départ on était d’ailleurs plutôt réticents à faire un documentaire retraçant pour ainsi dire son parcours depuis son berceau jusqu’à aujourd’hui, on était plus intéressés par le fait de trouver un moment dans sa carrière qui pourrait tout englober. Mais finalement on a compris que c’est le parcours de sa vie justement qui constitue l’histoire… Donc oui, il y a tout un tas d’incroyables images, de ses performances notamment, qu’on aurait adoré pouvoir inclure dans le documentaire. On pourrait même faire un film qui ne couvrirait que son talent de performeuse, les choix qu’elle a faits dans sa carrière, l’influence qu’elle a eu sur d’autres artistes… Ça n’a jamais été vraiment fait correctement, et je pense que ça ferait un incroyable documentaire. Mais la seule chose qui me vient à l’esprit, qu’on a effectivement essayé à plusieurs reprises de placer dans ce documentaire, c’est une discussion autour de sa fascination/obsession envers Jackie Kennedy-Onassis. Elle l’a vraiment utilisée comme modèle, et notre discussion à ce sujet était très intéressante. Plus on plongeait dans son histoire, plus on comprenait pourquoi elle aimait tant Jackie… C’est la seule chose à laquelle je pense que l’on a essayé de mettre à différents endroits, sans jamais y arriver.
Pour finir, le documentaire est assez intelligemment construit en différents chapitres. Le dernier étant consacré au fait qu’elle ait fini par trouver le grand amour malgré tout… C’était important pour vous, d’offrir à Tina une fin heureuse ?
T. J. Martin : Je ne sais pas si c’était important de lui donner une fin heureuse, mais ça correspondait à la vie qu’elle a menée, faite d’extrêmes : une extrême tragédie, un extrême triomphe… C’est intéressant comme tournure de question, je ne sais pas si on avait besoin d’une fin heureuse. Le documentaire avance à travers le traumatisme, et même nous on a découvert en le réalisant que finalement ce traumatisme dissimule un autre sujet : ce documentaire parle en réalité d’amour, de sa recherche de l’amour, qu’il soit romantique ou familial, puis surtout de l’amour pour soi. Donc c’est devenu une destination naturelle pour ce documentaire, qu'il se termine ainsi sur une note d’espoir. Il part du traumatisme pour arriver jusqu’à l’amour-propre.
Tina, le documentaire HBO réalisé par Dan Lindsay et T. J. Martin, est désormais disponible en DVD et Blu-ray. Vous pouvez également le retrouver dès à présent sur la plateforme VOD de la box SFR.
Source : IMDb
