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Football

Ligue des Champions : pourquoi les clubs français n’y arrivent pas ?

Une nouvelle désillusion pour le PSG de Kilian Mbappé avec l'élimination en huitièmes de finale face à Manchester United © Geoffroy Van Der Hasselt / AFP

Chaque saison, c’est la même rengaine : on se dit que cette fois c’est la bonne, que le PSG a enfin une chance de gagner la Ligue des Champions, Lyon ou Monaco (comme tout récemment) de créer la surprise. Et puis en mars, il n’y a plus aucun club français qualifié… Mais pourquoi impossible semble si français ?

Ça ne date pas d’hier…

Commençons déjà par ne pas nous mentir : les clubs français sont nuls en Coupes d’Europe, cela depuis la nuit des temps. La Ligue des Champions est la plus ancienne d’entre elles, datant de 1955. Ce qui nous fait donc à ce jour 64 éditions, pour… une seule victoire française, celle de Marseille en 1993. L’autre victoire française, celle du PSG en 1996, était en C2 (Coupe des vainqueurs de Coupes Nationales), dans une compétition qui aura connu 39 vainqueurs. Et aucun club français n’a remporté la C3 (Coupe de l’UEFA puis Ligue Europa) en… 48 éditions. On parle donc de deux Coupes d’Europe remportées en 151 éditions. Soit 1,32% de victoires. 1,32. Du coup si on se doutait que l’Espagne, l’Angleterre, l’Italie et l’Allemagne avaient remporté beaucoup plus de trophées continentaux que nos clubs français, il faut aussi se rappeler que les Pays-Bas, le Portugal, l’Écosse, la Russie et la Belgique en ont remporté davantage. En fait, à l’échelle européenne, la France fait aussi bien que… la Suède. Et sans remettre en cause le succès de l’OM et du PSG, les Coupes d’Europe remportées à l’époque étaient d’un tout autre niveau qu’aujourd’hui.

Les marseillais avaient dû affronter les nord-irlandais du Glentoran FC, puis les roumains du Dinamo Bucarest en matchs à élimination directe, avant de se retrouver en phases de poule. Là ils étaient avec les Glasgow Rangers, le FC Bruges et le CSKA Moscou. Sortis premiers de la poule, ils arrivaient directement en finale face au Milan AC. La suite, on la connaît, merci Basile ! Pour le PSG, la C2 débutait dès les seizièmes de finale. Ils avaient toutefois dû affronter le Celtic Glasgow, Parme et la Corogne avant de pouvoir affronter les inattendus autrichiens du Rapid Vienne en finale (1-0). On était donc bien loin du parcours du combattant de la mort qu’il faut effectuer aujourd’hui…

Merci l’arrêt Bosman ?

Tout semblait pourtant aller bien mieux dans les années 1990. En plus de ces deux triomphes, les clubs arrivaient souvent en finale : l’OM en 91 (C1), Monaco en 92 (C2), Bordeaux en 96 (C3), le PSG en 97 (C2) et l’OM en 99 (C3). Des campagnes correspondant également avec la montée en puissance de l’équipe nationale, Championne du Monde en 1998. La formation française est alors à son apogée et les joueurs de talent sortent de tous les clubs… qui ne peuvent pas les conserver. En 1995 entre en vigueur le fameux arrêt Bosman. Alors qu’auparavant, les clubs ne pouvaient aligner que trois joueurs de nationalité étrangère, ils peuvent désormais avoir autant de joueurs ressortissants de l’Union Européenne qu’ils le souhaitent, se basant sur la libre circulation des travailleurs entre États membres. Derrière, les transferts explosent et l’exceptionnel vivier français est pillé. Zidane et Deschamps à la Juventus, Vieira, Petit, Henry, Pirès, Wiltord, Henry et Anelka à Arsenal, Djorkaeff à l’Inter, Thuram et Boghossian à Parme, Lizarazu au Bayern de Munich… On ne pourra jamais le savoir, mais les clubs français n’auraient-ils pas eu plus de chances de l’emporter avec ces champions dans leurs rangs ? Ou bien sont-ils devenus si bons justement parce qu’ils ont rejoint des championnats étrangers où le niveau est plus élevé ?

"En face c’est pas Gijón, c’est pas Valladolid"

Cette phrase va poursuivre le commentateur Stéphane Guy pour le restant de sa carrière. Flashback. Ligue des Champions, mars 2017. Vainqueur 4-0 à l’aller face au Barça, le PSG s’effondre au Camp Nou et encaisse un improbable 6-1, sous les yeux médusés de commentateurs parlant trop vite de la qualification, arguant que le PSG est d’un tout autre calibre que les équipes qu’ affrontent régulièrement le Barça en Liga.

Sauf que justement, le Barça est aussi d’un tout autre calibre que les clubs de Ligue 1. Et c’est bien là le problème. On voit bien, depuis les investissements massifs des Qataris dans le club de la capitale, qu’un effectif avec des joueurs d’exception et des moyens colossaux ne suffisent pas. Sur le papier, le PSG peut rivaliser avec les plus grands. Sur le terrain, c’est autre chose, comme on le constate chaque année… En 2019 encore, le club s’est fait sortir par un triste Manchester United, à la ramasse en championnat, et venu l’emporter 3-1 au Parc des Princes avec une équipe B qui n’y croyait pas. À force de se promener en championnat tous les week-ends, les joueurs, supporters et commentateurs du PSG ont développé un complexe de supériorité qui n’a pourtant pas lieu d’être.

Le lendemain de l’élimination, on entendait déjà des journalistes dire que “c’est dommage, quand on voit qu’il reste des équipes comme Porto, Tottenham, l’Ajax, il y avait la place”. Est-ce donc ceci, l’arrogance française dont parlent tous les autres pays ? Se voir plus beau qu’on ne l’est, et déjà arrivé avant d’être parti ? Quand le Barça n’a pas le droit à l’erreur, sinon le Real et l’Atlético Madrid sont en embuscade, quand la Premier League voit six clubs se tirer la bourre pour quatre places qualificatives en Ligue des Champions, le PSG souffre d’un manque d’émulation dans le championnat national. Et les autres clubs, comme Marseille, Monaco ou Lyon, de la concurrence économique consécutive à l’arrêt Bosman. Quand ces équipes parviennent à obtenir de bons résultats, elles peuvent être sûres de se faire dépouiller au mercato suivant. Comme Monaco, dépourvu de Mendy, Mbappé, Bernardo Silva et d’autres après avoir remporté le championnat en 2017. Le problème est donc qu’aucune équipe ne peut lutter avec le PSG, et que le PSG ne peut lutter contre aucune équipe...

Sébastien Delecroix
https://twitter.com/seb_o_matic Sébastien Delecroix Rédacteur