
Affaire Weinstein : la justice se penche sur le cas du producteur
Ce lundi 6 janvier 2020, s'ouvrait le procès médiatisé d'Harvey Weinstein. L'occasion de faire le point sur cette affaire qui a secoué le monde du cinéma et plus largement, la société.
Octobre 2017 : près de 90 actrices, mannequins et personnalités de l'industrie audiovisuel décident de briser le silence. D'une seule voix, dans les colonnes du New York Times, puis du New Yorker, elles accusent Harvey Weinstein d'agressions sexuelles et dénoncent son comportement de prédateur sexuel.
Un peu plus de deux après ce qui a donné vie au mouvement #MeToo, l'heure est venue de porter cette affaire hors du commun devant la justice. Lundi 6 janvier 2020, s'est ouvert le procès d'Harvey Weinstein à New York, accompagné d'un dispositif hors normes : plus de 150 journalistes accrédités, un foule amassée devant le palais de justice et six longues semaines d'audiences.
Deux victimes et un "système Weinstein"
Elles ne sont que deux victimes à se présenter devant les tribunaux. L'ancienne assistante du producteur, Mimi Haleyi, qui affirme qu'il l'a agressée sexuellement en juillet 2006 dans son appartement New-Yorkais. La seconde, qui a préféré rester anonyme, pour un viol commis en mars 2013 dans une chambre d'hôtel. Les autres ont abandonné les poursuites soit en raison de la prescription des faits, soit parce qu'elles ont signé un accord d'indemnisation proposé par les avocats du prévenu.
Du côté de l'accusation, c'est à la vice-procureure Joan Illuzzi-Orbon qu'a été confiée la lourde de tâche de démontrer l'existence d'un "système Weinstein". À savoir l'intimidation des victimes ou encore les grosses sommes d'argent pour tenter de faire taire les témoins. Pour l'aider, une troisième victime, Annabelle Sciorra, qui aurait été agressée par le producteur en 1993. Si les faits la concernant sont prescrits, la Cour suprême a jugé son témoignage recevable lors de ce procès.
Une avocate de choc pour défendre Harvey Weinstein
De son côté, Harvey Weinstein continue de nier les faits. Pour lui, il s'agirait de relations sexuelles consenties. Si le tribunal en décide autrement, il risque la prison à perpétuité. Pour éviter cela, il s'est armé d'une experte en la matière : l'avocate Donna Rotunno, une Éric Dupond-Moretti à l'américaine, surnommée "le bouledogue des salles d'audience".
Ancienne procureure, elle est justement spécialisée dans la défense des hommes accusés d'agressions sexuelles. Ces dix dernières années, tous les clients de Rotunno ont été acquittés ou obtiennent la peine réduite qu'ils espéraient après avoir plaidé coupable. "Je peux faire bien plus dans une salle d'audience, pendant le contre-interrogatoire d'une femme, qu'aucun autre homme avocat. Il a beau être très bon, s'il s'en prend à une femme avec le même venin que moi, il aura l'air d'une brute. Si je le fais, personne ne sourcille. Ça s'est montré très efficace jusqu'ici", expliquait Donna Rotunno au Chicago Magazine en 2018. Une seule tâche à son tableau de chasse : en 2011, DeMarco Whitley, joueur de football américain de l'université de Glenboro West dans l'Illinois, condamné à 16 ans d'emprisonnement.
Weinstein et sa défense de fer
Pour défendre Harvey Weinstein, elle a une stratégie toute trouvée : prouver que ces relations étaient consenties au travers de conversations par voie électronique entre l'homme et ses victimes, toutes deux restées en contact avec leur agresseur des mois après les faits disputés devant les tribunaux. "Si vous ne voulez pas être une victime, ne montez pas dans la chambre d’hôtel [... ] En réalité, vous aviez le choix, et vous avez fait un choix. Les gens ont le droit de tenter leur chance, et vous avez le droit de dire non merci", précisait l'avocate Rotunno au Wall Street Journal en juin dernier.
Pour défendre les victimes, une autre figure médiatique : Gloria Allred. Elle-même qui avait défendu 29 des 50 parties-civiles du procès de Bill Cosby qui s'était soldé par la condamnation de l'acteur. Si ce sera au jury de décider de la culpabilité, ou non, d'Harvey Weinstein, l'avocate est catégorique sur le fait que Donna Rotunno fait fausse route : "Me Rotunno se trompe si elle pense pouvoir séduire un jury new-yorkais seulement parce qu’elle est une femme. Elle devrait garder en mémoire qu’il y avait aussi une femme dans la partie adverse au procès Bill Cosby. Reste que M. Cosby est aujourd’hui en prison", lui assène-t-elle par presse interposée.
C'est donc six semaines intenses qui s'annoncent au tribunal de Manhattan. Une affaire déterminante pour le mouvement #MeToo qui pourrait se solder par une victoire, dans l'hypothèse d'une condamnation d'Harvey Weinstein, alors que la quasi-totalité des hommes accusés s'en sont jusqu'ici tirés sans poursuites pénales.
Sources : Chicago Magazine, The Wall Street Journal, Le Monde, Le Parisien, Le Point, LCI, Paris Match, Allociné
