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Les récentes adaptations de jeux vidéo sont de plus en plus populaires et possèdent des budgets bien plus élevés que ce qui se faisait il y a quelques années.
Séries

Fallout, The Last of Us, Arcane : pourquoi les adaptations de jeux vidéo cartonnent ?

Les récentes adaptations de jeux vidéo sont de plus en plus populaires et possèdent des budgets bien plus élevés que ce qui se faisait il y a quelques années. © Amazon MGM Studios

Le succès récent de Fallout aux Game Awards confirme encore une fois que les adaptations de jeux vidéo entrent maintenant dans une nouvelle ère. Fini les flops des films bas de gamme comme Doom ou Mortal Kombat. Mais que s’est-il passé pour que ces œuvres vidéoludiques rencontrent un tel engouement sur les petit et grand écrans ?

Les adaptations de jeux vidéo n’ont pas toujours connu le succès. On pense notamment à des films comme DOOM, sorti en 2005 et adapté d’un monument du jeu vidéo, qui affiche la terrible note de 18 % sur Rotten Tomatoes n’est pas en marge, avec 36.67 fois plus. Ces séries adaptées d'oeuvres vidéoludiques ont même maintenant leurs propres prix aux Game Awards, l'équivalent des Oscars pour le jeu vidéo. Cette année, c'est d'ailleurs la série du box-office à sa sortie, tandis que le nouveau film était arrivé en seconde position du classement de l'an dernier avec plus d’un milliard de dollars de recettes.

On note un réel engouement aujourd’hui pour ce genre de contenu : d’après le site Parrot Analytics, Arcane, adaptée du jeu League of Legend, suscite 37.12 fois plus d’intérêt qu’une série dite “classique”. The Witcher n’est pas en marge, avec 36.67 fois plus d'intérêt. Ces séries adaptées d'oeuvres vidéoludiques ont même maintenant leurs propres prix aux Game Awards, l'équivalent des Oscars pour les jeux vidéo. Cette année, c'est d'ailleurs la série Fallout qui remporte le titre de la Meilleure adaptation, une compétition qui fut serrée face au succès phénoménal d'Arcane. On peut alors se demander ce qui fait cette si grande différence entre les adaptations d’hier et d’aujourd’hui ?

La recette a changé

On remarque un point commun entre plusieurs anciennes adaptations qui ont échoué face à la critique. Des films comme DOOM, Tomb Raider, Resident Evil, House of The Dead, se contentent seulement de reprendre quelques éléments du jeu. L'œuvre est simplifiée au maximum pour qu’elle puisse correspondre aux codes d’un film d’action court et sans prise de risque. Finalement, c’est le changement de médium qui perdait l’essence même de la franchise en question. Aujourd’hui, on cherche à retranscrire au maximum l’identité du titre : par exemple dans The Last of Us sur HBO, l’ambiance ressentie est similaire, seulement très peu d’éléments sont omis. Dans Super Mario Bros., c’est la même chose, le côté coloré est conservé contrairement au film de 1993 qui avait complètement dénaturé cet aspect en voulant en faire un univers plus adulte.

Pour autant, les nouvelles adaptations continuent d’ajouter des éléments inédits, mais restent dans la lignée de l'œuvre. Par exemple, le troisième épisode de The Last of Us développe deux personnages qui existent dans le jeu, mais dont nous ne connaissions encore rien. C’est le meilleur moyen de créer du contenu original : les nouveaux venus ne sont pas dépaysés, mais cela n’empêche pas les amateurs de la saga d’apprécier leur contenu préféré qui évolue et non pas qui change de direction. De ce fait, ces sorties récentes s’adressent à un plus large public et c’est aussi ce qui explique leur succès

Les adaptations rendent le jeu vidéo accessible à tous

En effet, le jeu vidéo est un médium qui n’est pas facilement accessible en soi. Prenons pour exemple The Last of Us : pour jouer à la première partie, il faut une PS4 (proposée environ 200€ d’occasion actuellement) et le jeu (20€ sur le PlayStation Store) pour un coût total de 220€. Et encore, pour ceux qui souhaitent la dernière version il faudra compter plutôt 580€ pour la PS5 et la version remastered. Ce n’est pas tout, il faudra aussi du temps, un titre d’une longueur moyenne se termine en 20 heures pour ceux qui ont l’habitude des jeux. Alors que pour regarder la série The Last of Us, il suffit de payer 6,99€ pour l’abonnement Prime Video, et la saison 1 du show dure seulement 9 heures. Ces adaptations permettent au plus grand public d’apprécier ces œuvres. Cela dit, cette volonté des spectateurs de voir arriver les jeux vidéo dans un autre format n’est aussi que très récente.

Le jeu vidéo a aussi évolué ces dernières années…

Il faut dire qu’il y a plusieurs dizaines d’années, il n’y avait pas forcément grand chose à raconter. L’évolution des jeux vidéo s’est faite parallèlement avec celle de la technologie. Pendant longtemps, les cartouches ne pouvaient contenir que très peu d’informations et les jeux vidéo se concentraient sur le gameplay, c’est-à-dire le jeu pur, et laisser de côté la narration. Aujourd’hui, d’énormes licences vidéoludiques sont grandement louées pour l'originalité de leurs scripts ou l’élaboration de leurs scénarios comme The Elder Scrolls, Final Fantasy, ou même simplement The Last of Us. Même des franchises comme Doom, qui ne consistait au début qu’à tirer sur des démons et des zombies sans vraiment de fond, s’est mise à développer tout un univers avec le dernier titre Doom Eternal.

Ce manque de profondeur dans la narration des jeux vidéo se ressentait également dans les adaptations. Les réalisateurs voulaient absolument faire un lien avec le gameplay du jeu et délaissaient également l’histoire. Jonathan Nolan, réalisateur de la récente série à succès Fallout sur Prime Video - récemment récompensée aux Game Awards - en parle dans une interview pour The Hollywood Reporter :

"La barre n'était pas seulement basse, elle était inexistante, en particulier dans le monde des séries. On avait des gens qui adaptaient un jeu à la première personne, et se disaient : 'Donc la série doit avoir un point de vue à la première personne.' Non, ça, c'est la grammaire du jeu lui-même, c'est pas comme ça que tu l'adaptes."

… comme son image

On remarque alors que les jeux vidéo n’étaient pas considérés comme autre chose qu’un divertissement pour les enfants. L’idée était de s’approprier une marque et de créer un produit pour attirer le public associé. Le Dr Matthew Harrison, chercheur en apprentissage par les jeux numériques à l'université de Melbourne, évoque ceci dans une interview pour le média The Sydney Morning Herald :

"Le point de vue des studios de cinéma était que [les adaptations de jeux] étaient un moyen rapide d'utiliser la renommée populaire d’un jeu pour les enfants, et d'amener les gens au cinéma avec leurs parents sans avoir à se préoccuper de choses comme le développement de l'intrigue."

Aujourd’hui, le jeu vidéo s’adresse à tous les publics et est devenu un médium à part entière tout comme le cinéma ou la télévision. D’après le Statista Research Department, en 2023, 57% des 35 ans et plus ainsi que 84% des personnes en dessous de cet âge jouent aux jeux vidéo. Plus encore, parmi toutes les tranches d’âge, il n’y a presque pas de différence entre le nombre de joueuses et de joueurs. On constate alors à quel point les œuvres vidéoludiques deviennent populaires.

Le jeu vidéo comme le cinéma ou la télévision

Pour ce qui est de l’évolution en tant que médium, on s’aperçoit également qu’il se compare facilement avec le cinéma ou la télévision. Par exemple, des intrigues développées sur des jeux vidéo d’une franchise sont continuées ou reprises dans des films ou séries de cette même franchise. Dans Star Wars IX, en 2019, le nom du personnage de Revan est repris, alors que jusque-là il n’existait que dans les jeux vidéo de la saga, et ce, depuis 2003. De la même façon, la saga de jeux Ratchet & Clank a donné lieu à un film qui lui-même a été adapté en jeu vidéo. Les liens entre ces deux formats sont de plus en plus fréquents et sont traités au même niveau.

C’est d’autant plus facile de corréler ces deux médiums maintenant que la technologie le permet. Effectivement, les effets spéciaux des films et séries comme la CGI (Computer Generated Imagery ou imagerie générée par ordinateur) sont de plus en plus similaires à ce que peuvent produire les moteurs graphiques des jeux vidéo. De ce fait, une créature dans un jeu pourra être identique dans un long-métrage ou un show.

En somme, ce sont des éléments technologiques qui font que ces adaptations sont bien plus qualitatives qu’elles ne l’étaient, mais aussi l’évolution des mœurs concernant le jeu vidéo. Pour rappel, vous pouvez retrouver des adaptations comme Fallout sur Prime Video et The Last of Us sur Max, mais aussi Arcane, Castlevania et Cyberpunk entre autres sur Netflix.

Disney+ possède également ce genre de contenus avec Prince of Persia. Knuckles, adapté des jeux Sonic, est pour sa part disponible sur Paramount +.

Sources : Parrot Analytics, Hollywood Reporter, The Sydney Morning Herald, Statista

Martin Senecal
https://twitter.com/diaseptyl Martin Senecal Rédacteur