Il est de ceux qui ont peu réalisé, mais Xavier Giannoli tombe juste lorsqu’il s’empare d’un scénario. Les histoires qu’il raconte peuvent être qualifiées de “simples” et sont généralement teintées d’une part plus sombre, d’une part de mystère qui les rend immédiatement captivantes, à l’instar de L’Apparition, Marguerite ou À l’origine. Des récits qui empruntent parfois leur décor à l’Histoire. Il était donc logique, pour lui, d’adapter Illusions Perdues de Honoré de Balzac, roman clé de La Comédie Humaine publié en trois parties de 1837 à 1843.

#1 (Re)plonger dans un texte classique aux allures contemporaines

Illusions Perdues nous raconte l'histoire d'un jeune homme, Lucien Chardon, qui veut conquérir Paris, rêvant de faire carrière en tant que poète sous le nom noble de sa mère, De Rubempré. Il quitte alors sa campagne natale pour la grande ville, accompagné de sa protectrice et amante Madame de Bargeton. Dans la capitale, la concurrence est rude. Face aux difficultés, il se lance dans le journalisme et connaît alors le succès. Sa prose, très juste, est applaudie par les critiques. Si l’intrigue originale prend place dans la France du début du XIXe siècle, certains de ses aspects résonnent drôlement avec notre société d’aujourd’hui, que la réalisation de Xavier Giannoli affirme.

La naïveté infantile de Lucien De Rubempré est vite mise au placard face à la réalité de la vie parisienne. Son envie d’être connu, adoré et adulé prend le pas sur son rêve plus noble d’être poète. C’est désormais l’appât du gain qui l’anime. Poèmes, articles de presse, sentiments, réputations… Il découvre que dans ce monde faits de faux-semblants tout s’achète, jusqu’aux âmes que l’on finit par perdre dans ce décor trompeur. Illusions Perdues dépeint une fresque d’époque où l'on retrouve quelques similitudes avec aujourd’hui. Cette ambiance contemporaine se retrouve dans l'obsession de faire de l’argent, dans la description - à charge - du quatrième pouvoir et le culte de l’apparence, de la popularité. Les fakes news y sont répandues, les désillusions aussi. Les histoires d’amour y sont toujours compliquées : doit-on faire passer son cœur avant ses ambitions professionnelles ? On ressort bouleversé par cette histoire frappante de réalité.

#2 Un casting 5 étoiles

Si le personnage principal, Lucien De Rubempré, est interprété par le nouveau visage du septième art, celui de Benjamin Voisin, d’ores et déjà salué par ses paires pour son rôle dans Été 85 de François Ozon, c'est par ailleurs une ribambelle d’acteurs de renom qui se succèdent à l’écran. On retrouve dans le film Cécile de France, dans le rôle de Madame de Bargeton. Vincent Lacoste prête ses traits à Étienne Lousteau, feuilletoniste sans morale et mentor de Lucien, qui démolit ses illusions en lui faisant comprendre qu’au journal, remplir les poches des actionnaires compte plus que la vérité. Xavier Dolan joue l’ami lucide Nathan d’Anastazio, narrateur de l’intrigue. Jeanne Balibar incarne la Marquise d’Espard. Et Gérard Depardieu complète ce casting 5 étoiles, dans la peau de Dauriat, éditeur qui fait la pluie et le beau temps dans le monde de la presse et de l’écriture à Paris.

#3 Savourer un film primé aux César

Sorti dans les salles obscures le 20 octobre 2021, Illusions Perdues a immédiatement rencontré son public. Si l’idée d’une adaptation longue (2h30) d’un classique de la littérature tout aussi riche ne séduit pas au premier abord, la réalisation frénétique de Xavier Giannoli nous emporte dans un univers embué par les effluves d’alcool, où l’amusement a le premier rôle. Fêtes interminables, faste, jeux de rôle… Le film ne laisse pas de place à l’ennui. Et c’est sans doute cette surprise de ne pas avoir un scénario longuet qui a, entre autres, fait son succès. Une réussite au cinéma qui s’est conclue par sept récompenses à la cérémonie des César en 2022, dont le prix du Meilleur acteur dans un second rôle pour Vincent Lacoste, celui du Meilleur jeune espoir masculin remis à Benjamin Voisin, ainsi que de la Meilleure adaptation pour Xavier Giannoli et Jacques Fieschi. Sept statuettes qui attestent de la qualité d’Illusions Perdues, à (re)voir absolument sur Ciné+ Premier ce mercredi 22 mars, à 20h50.

Sources : AlloCiné, VanityFair