Il y a maintenant sept ans, Barry Jenkins remportait l’Oscar du meilleur réalisateur pour son film Moonlight. Un cinéaste, qui ne s'était pas encore fait un nom, remportant l’une des récompenses les plus prestigieuses du milieu pour son deuxième film. Aujourd’hui, il surprend encore tout le monde et réalise Mufasa, le deuxième live action dans l’univers du Roi Lion. Lors d’une table ronde, nous avons pu nous entretenir avec cet homme au parcours atypique, qui a récemment pu ajouter sa pierre à l'édifice de l’une des franchises les plus aimées du grand public.

Qu’est ce que Barry Jenkins nous raconte dans Mufasa ?

Dans Mufasa, on retrouve Kiara, la fille de Simba et Nala, qui, en l’absence de ses parents, doit être gardée par les deux compères Timon et Pumba. Ces derniers rendent visite à Rafiki, le sage babouin que l’on retrouve dans les différents projets animés. Connu pour son grand savoir, il finit par raconter à Kiara l’histoire de Mufasa, son légendaire grand-père, via des flashbacks auxquels le spectateur assiste tout au long du film.

Mufasa, orphelin et perdu, fait la rencontre fortuite de Taka, un lionceau issu d’une lignée royale. Bien qu'ils soient destinés à des vies différentes, les deux félins vont grandir ensemble. Leur évolution va être mise en scène comme un vrai voyage au travers des paysages africains que Barry a su sublimer, tout comme il a sublimé, avec ses équipes, les émotions qu’affichent les différents personnages.

Le parfait compromis entre animal et humain

Évidemment, lors du passage de dessin animé en 2D à une œuvre plus réaliste avec des animaux presque réels, il devient plus difficile de communiquer les émotions des personnages avec des codes humains. C’est ce qu’on avait pu constater dans le premier live action de 2019, où les lions étaient forcément moins expressifs que dans les précédentes versions. Pour autant, Barry Jenkins et ses équipes, grâce à des technologies toujours plus avancées, ont su trouver le juste milieu entre humanité et animalité. Les visages sont plus expressifs, sans pour autant ne plus ressembler à de réels lions. Plus encore, les expressions animales sont parfaitement exploitées pour communiquer des émotions qu’un humain peut interpréter. C’est ce que Barry a expliqué lors de la table ronde à laquelle nous avons pu assister :

“Les lions font ce bruit caractéristique, ce grave “huum”. On a réussi à l’intégrer aux dialogues, et quand ça fonctionne, c’est absolument incroyable. Surtout pour la colère des vilains.”

Cette précision dans l’animation et les dialogues rend l’immersion et l’empathie d’autant plus présente. Mais ce n’est pas la seule facette du film où la rigueur est de mise, c’est le cas aussi pour la narration et le respect de l’univers créé.

Une narration poignante et résonnante

Dans Mufasa, plusieurs personnages sont introduits. On retrouve notamment ceux appelés les “outsiders” par Barry Jenkins, des lions albinos qui étaient déjà existants dans l’univers du Roi Lion. Ces derniers, de par leur couleur, sont mis à part et ont opté pour un mode de vie hostile en chassant d’autres clans. Ils font échos directement au fait que Mufasa est lui-même un “outsider”, traité différemment par son nouveau clan à cause de sa condition d’orphelin. Mufasa est également l’exact opposé de Taka, qui lui est le prince de son clan et est chéri par son père. Lors de la table ronde, Barry Jenkins a évoqué ces interconnections :

“Cette conversation à propos des différences entre quelqu’un comme Rafiki, quelqu’un comme Mufasa, quelqu’un comme Taka ou même quelqu’un comme Kyros, le chef des “Outsiders”, est entièrement à propos des choix. On peut choisir de se tourner vers la lumière ou les ténèbres indépendamment de son vécu.”

Le film traite alors de l’influence de l’inné et de l’acquis en chacun de nous, et pose la question de ce qui nous définit en tant qu’être : nos valeurs, notre vécu ou nos actions ? La narration est ainsi ultra complète et s’adresse à tous. Même les fans aguerris du Roi Lion s’y retrouveront. Car, en plus de composer avec des personnages déjà existants de l’univers, Barry a affirmé qu’il y a une multitude d’”easter eggs” dans le film et qu’il a, en partie contre son gré, complètement respecté cette franchise que tout le monde aime tant :

“Cela fait une trentaine d'années que les gens sont obsédés et adorent cet univers. Alors évidemment, il y a beaucoup de choses à faire avec tout ça, mais aussi beaucoup de limites à ne pas franchir. Parfois, une personne qui est chez Disney depuis bien plus longtemps que moi me disait “Non on ne s’amuse pas avec ça !” alors je restais dans les clous.”

Du Moonlight dans Mufasa ?

Pour autant, cela n’a pas empêché Barry Jenkins de donner sa patte à Mufasa. Effectivement, le réalisateur oscarisé a confessé avoir ajouté une touche de Moonlight dans Mufasa :

“Dans le film de 1994, le film se termine avec Scar et Mufasa au-dessus d’un feu. J’ai donc pensé qu’il y avait quelque chose à faire avec l’eau. Et à la fin, quand j’ai réalisé que tout avait affaire avec l’eau dans le film, j’ai fait le lien : quel autre film a l’eau comme élément central ? Moonlight évidemment. J’imagine alors que chaque réalisateur a cette histoire qu’il continue de raconter sous différentes formes, et j’ai remarqué que Mufasa avait énormément de points communs avec d’autres de mes créations.”

Mufasa s’avère être alors complètement fidèle à l’univers du Roi Lion, tout en incarnant le travail de Barry Jenkins : un voyage émotionnel et visuel qui s’adresse à tout un chacun. Le film est projeté dans les salles obscures dès ce 18 décembre 2024. Le remake de 2019 est aussi disponible en streaming sur Disney+.