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"Frankenstein" de Guillermo del Toro se veut riche en références culturelles, comme ici avec Hamlet et le crâne de Yorick.
Cinéma

Frankenstein : que vaut le film de Guillermo del Toro sur Netflix ?

"Frankenstein" de Guillermo del Toro se veut riche en références culturelles, comme ici avec Hamlet et le crâne de Yorick. © Netflix

Annoncé depuis un moment par la plateforme et encore plus longtemps par le réalisateur, le Frankenstein de Guillermo del Toro arrive enfin sur Netflix. Après toute cette attente, l’adaptation de cette œuvre de Mary Shelley si chère au cinéaste vaut-elle le coup d’être vue ?

Frankenstein fait partie de ces œuvres, comme Dracula ou Roméo et Juliette, qui alimentent des adaptations cinématographiques depuis des dizaines d’années. Bien que la première adaptation de 1931 par Whale soit restée sûrement la plus emblématique, d’autres ont suivi et perpétué l’aura du monstre de Frankenstein comme celle d’un classique de l’horreur et de la culture. Récemment, on pense notamment à Penny Dreadful qui a mis au cœur de son récit la cruauté de l’humanité, ou encore Pauvres Créatures qui met plutôt en avant la philosophie de l’innocence, deux thèmes propres à l’ouvrage original de Mary Shelley. En clair, l'œuvre Frankenstein propose un bon nombre de matériaux à exploiter, et c’est maintenant au tour de Guillermo del Toro de proposer sa version. Mais qu’a-t-il décidé de mettre en lumière et est-ce que cela vaut le détour ?

Il se passe quoi dans le Frankenstein de Guillermo del Toro sur Netflix ?

Pour commencer, on notera que le film est clairement très fidèle au matériel de base : les fans de l'œuvre de Mary Shelley ne seront pas dépaysés et pourront s’amuser des quelques différences. Car oui, il y en a tout de même, ne serait-ce que pour la cohérence de la réalisation. Quelques éléments sont déplacés et d'autres remplacés pour des soucis de modernité, mais aussi pour coller à la vision de Guillermo del Toro.

Ainsi, comme le livre, le film se déroule en plusieurs récits enchâssés, avec d’abord une histoire cadre permettant à Victor de conter son vécu, au sein de laquelle on retrouvera ensuite le point de vue de la créature. Une majeure partie du film est donc consacrée à la psyché du docteur, ses obsessions, ses doutes, ses peurs, son orgueil et ce qui l’amène à créer l’abomination. Et dans le récit du monstre, on retrouve d’autres thématiques plus poétiques.

On remarque un véritable patchwork d’inspirations dans ces récits, du gothique bien sûr, Frankenstein oblige, mais aussi du romantisme avec des références à Milton et Le Paradis Perdu - ce qui colle très bien aux histoires monstrueuses, comme on a pu le voir dans Alien -, ainsi qu'une bonne dose de philosophie. Cela dit, on remarque bien sûr la patte de Guillermo del Toro, qui correspond extrêmement bien à l'œuvre.

L’adaptation parfaite pour Guillermo del Toro

Déjà au début des années 2000, Guillermo del Toro évoquait son souhait d’adapter Frankenstein, et c’est assez logique finalement. Sa filmographie (Cronos, Le Labyrinthe de Pan, Hellboy, Pacific Rim, La Forme de L’eau…) est remplie de créatures et presque tous posent la question de la frontière entre cette monstruosité et l'humanité.

Cette thématique, abordée ici dans Frankenstein, résonne encore plus aujourd’hui en renvoyant vers d’autres plus précises et actuelles : la peur de la différence et la marginalisation. On retrouve cela évidemment dans la partie du récit de la créature, mais celle du récit de Victor est elle aussi criante de vérité.

Le récit de Victor Frankenstein : la démesure de l’homme moderne

La partie consacrée à Victor est sans doute la plus viscérale. Guillermo del Toro choisit de montrer un homme consumé par la soif de savoir et par la peur de la mort. Oscar Isaac, dans le rôle de Victor, livre une interprétation magistrale : celle d’un esprit brillant mais condamné par son propre orgueil.

Le cinéaste insiste sur le lien entre la froideur des laboratoires et celle des souvenirs d’enfance du personnage. La thématique de la filiation est ainsi abordée : le premier homme à avoir donné naissance à un monstre n’est pas Victor, mais bien son père, lui-même monstrueux. C’est cette filiation qui banalise les horreurs et fait de l’humanité ce qu’elle devient.

On regrettera cependant que ces conclusions se tirent assez vite dans le récit, tandis que lui continue sur la même lancée. Il est alimenté par cette romance dispensable entre Victor et Elizabeth (revue pour que cette dernière ne soit pas sa cousine, comme dans le livre…) interprétée par Mia Goth et, nonobstant, sa formidable performance.

Mia Goth et Oscar Isaac dans "Frankenstein"
Mia Goth et Oscar Isaac dans "Frankenstein" © Netflix

Le récit de la créature : poésie, solitude et quête d’humanité

Le second récit, celui de la créature incarnée avec brio par Jacob Elordi, s’impose comme le cœur émotionnel du film. Le contexte d’après-guerre et la créature, d’abord prise pour un soldat, permettent d’interroger le rapport de l’homme par rapport à la violence. Qui plus est, les bribes de souvenirs que le monstre tire des corps mutilés qui le composent sont un parallèle évident aux traumatismes des tranchées et aux conséquences de la guerre.

Guillermo del Toro en fait un être d’une sensibilité poignante, à la fois enfantin et tragique. À travers ses errances dans un monde qui le rejette, le film explore également la solitude, la peur du regard des autres et le besoin désespéré d’amour. Le réalisateur y injecte une tendresse inattendue, la créature étant montrée comme innocente et pure, et son apprentissage n’étant pas sans rappeler Candide de Voltaire.

Victor Frankenstein et les corps mutilés des soldats.
Victor Frankenstein et les corps mutilés des soldats. © Netflix

En somme, ce Frankenstein de Guillermo del Toro sur Netflix se veut comme une œuvre ultra dense - trop dense ? - avec des thématiques fortes et bien exploitées, portées par des performances bluffantes. Très fidèle au mythe, il le remet au goût du jour avec cette touche tant attendue propre au brillant réalisateur que l’on retrouve dans l’écriture et la réalisation, mais aussi dans les sublimes décors et costumes.

Source : Netflix

Martin Senecal
https://twitter.com/diaseptyl Martin Senecal Rédacteur